Le chemin de fer, trait d’union de la Ville-Lumière

La Petite Ceinture, le premier hub ferroviaire de Paris

Quand nous avons décidé de créer Midnight Trains, il nous a fallu choisir la ville qui serait l’épicentre à partir duquel nous pourrions connecter les grandes villes européennes au moyen de nos trains de nuit d’un nouveau genre. Sans mystère, Paris a été une évidence : c’est une des villes les plus visitées au monde et le point d’arrivée en Europe pour de nombreux voyageurs internationaux. Notre hub ferroviaire était tout trouvé.

Et ce n’est pas la première fois que la Ville-Lumière s’irrigue au moyen des chemins de fer, loin de là. L’idylle entre la capitale française et le train est presque aussi ancienne que la création des premières liaisons ferroviaires, au point d’avoir enfanté un réseau intérieur qui, aujourd'hui encore, donne vie à la ville au-delà de son intention initiale. Cet entrelacement de rails répond au doux nom de Petite Ceinture qui, dans un de ces subtils paradoxes, ne l’enserre en rien.

C’est en 1852 que cette boucle unique en son genre commence à se déployer. A l’époque, vous vous en souvenez grâce aux précédentes éditions de Midnight Weekly, les chemins de fer sont en plein essor et deviennent aux yeux des dirigeants la solution à à peu près tous les problèmes de développement auxquels leurs pays font face. Et pour le coup à Paris, il y a de quoi faire !

En moins d’un demi-siècle, la population de la ville a doublé pour s’établir à plus d’un million d’habitants, ce qui est colossal pour l’époque. Une population qu’il faut nourrir, et la ville est toujours plus saturée par le transport de marchandises lent et archaïque, opéré au moyen de lourds charrois à traction animale. C’est aussi l’époque où les guerres se succèdent et Paris s’est alors dotée de nouvelles fortifications militaires, ce qui rend nécessaire une infrastructure logistique indispensable à la ville en cas de siège. Seule une liaison circulaire fermée longeant l’enceinte récente peut satisfaire cette exigence.

Ajoutez à cela un besoin de redressement économique du pays, et le tableau est complet. Sans plus tarder, la création de la Petite Ceinture est inscrite sur la liste des travaux nationaux lancés pour créer de l’emploi et ce sont 32 kilomètres de chemins de fer qui vont progressivement entourer Paris, pour y faire circuler des marchandises en tout genre. Bientôt pourtant, les premiers trains de voyageurs intra-muros vont compléter les trajets quotidiens.

D’abord pour permettre aux ouvriers de se rendre à leur travail, même si très vite, la bourgeoisie parisienne va en faire son moyen de transport exclusif, les dimanches et jours fériés, pour aller se promener. Deux salles, deux ambiances, qui l’air de rien, accouchent de l’ancêtre du métropolitain. Cet usage va connaître son apogée avec l’organisation de plusieurs expositions universelles dans la capitale française à la fin du XIXe siècle : en 1900, 39 millions de voyageurs sont transportés grâce à ce hub ferroviaire inédit.

C’est l’époque bénie de la Petite Ceinture, et elle ne va pas durer. A mesure que le métro se développe, la voici qui perd de son aura : face aux maigres 7 millions de voyageurs enregistrés en 1933, décision est prise l’année suivante de revenir à un usage exclusivement dédié au fret de marchandises. Le déclin de la liaison est aussi progressif qu’inéluctable : en 1990, c’en est tout bonnement fini des trains qui y circulent.

La fin, pensez-vous ? Loin s’en faut ! Au même moment, ce réseau va connaître une renaissance autrement transportante et tout commence non loin de la Gare de Lyon. Paris manque alors d’espaces verts et Jacques Chirac, alors maire de la ville, confie le soin à toute une équipe d’architectes et paysagistes, de transformer l’un de ses tronçons en une promenade d’un genre nouveau.

La Coulée Verte, c’est son nom, est le premier projet qui réhabilite la Petite Ceinture et constitue encore aujourd’hui un espace de balade couru pour qui veut prendre de la hauteur là où les anciens ponts ferroviaires enjambent élégamment la ville. Ce projet donnera d’ailleurs des idées à New York, quelques années plus tard : la municipalité américaine s’en inspirera grandement pour à son tour repenser un de ses réseaux intra-muros devenu depuis iconique : la High-Line.

Oui, la Petite Ceinture continue aujourd’hui de donner vie à la capitale française. Là où les rails la firent grandir jadis, les projets comme celui de la Coulée Verte se sont multipliés. Ses gares ont été transformées en lieux de vie tels que les tiers-lieux aux activités hybrides du Hasard Ludique et de La Recyclerie. D’autres espaces y naissent comme Les Jardins du Ruisseau et La Ferme du Rail, dédiés à l’agriculture urbaine. De l’art du chemin de fer à continuer à être ce trait d’union entre nous, quelque soit son évolution !

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