De l'art de faire son entrée en gare

La gare, cette porte sur un monde extraordinaire

Cette gare, c’est celle de Porto, plus précisément la gare de São Bento. Et nous n’avons pas peur de le poser tout de go : c’est l’une des plus belles gares au monde. Pourquoi ? Tout simplement car elle est l’exemple parfait de ce que toute gare se doit d’être.

La gare de Porto est à proprement parler un monument duquel émane immédiatement l’âme et l’identité de la ville. La salle des pas perdus n’y a jamais aussi mal porté son nom : en arrivant en gare, impossible de se ruer vers le bus ou le taxi qui nous amènera jusqu’à notre point de chute du moment. Cette salle est une merveille entièrement tapissée d’azulejos aux couleurs lumineuses, dont les fresques restituent des scènes typiques de la ville ou de son histoire. Porto, tout le monde descend et prend le temps d’y être accueilli, en somme.

Pour la petite histoire, l’architecte de cette gare unique en son genre fut si concentré à réussir son chef-d'œuvre ouvrant les portes sur l’imaginaire de la ville, qu’il en oublia d’y prévoir l’espace pour les guichets de vente de billets ! Il serait difficile de l’en blâmer, car il avait compris combien une gare se doit d’être davantage que le sas ou le corridor par lequel l’on entre et l’on sort à toute vitesse d’une ville.

Et si nos gares s’inspiraient un peu plus de celles de Porto ? Toute station ferroviaire devrait avoir pour mission d’être le début et la conclusion extraordinaires du récit du séjour que chacun d’entre nous fera à ses proches en rentrant. Elle est l’antre, l’espace, la porte d’entrée, dans un autre monde que le nôtre.

A l’heure où nombre d’entre nous sont sur le point de rentrer de leurs vacances ou de les prendre, attardez-vous donc sur ce qu’une gare peut avoir à vous dire! Nombre d’entre elles ont bien des choses à vous partager : à Paris par exemple, à la gare de Lyon, levez la tête au-dessus des guichets (qui n’y ont pas été oubliés ici) pour découvrir une fresque devenue presque invisible du flot des voyageurs, mettant en lumière l’univers des régions qu’elle dessert.

Pour autant, la tentative ne sera pas concluante dans toutes les gares, particulièrement les plus récentes. Au cours des années passées, alors que l’avion prenait l’ascendant sur le train pour les voyages du plus grand nombre d’entre nous, l’architecture ferroviaire s’est en effet égarée, sans mauvais jeu de mot, au point d’imiter la froideur et l’absence de singularité qui caractérisent les aéroports à travers le monde. De lieux de vie, les gares ont évolué de plus en plus vers des lieux de passages insipides, et les plus caractéristiques sont assurément celles qui ont été construites pour accueillir les TGV en France.

Alors que la grande force du train avait toujours été de vous faire arriver en cœur de ville, nombre de ces gares ont été créées de toutes pièces, à vitesse aussi grand V que la dernière lettre du TGV, au milieu de nulle part, comme celle d’Aix-en-Provence TGV ou de Meuse-TGV. Pourtant à des lieues l’une de l’autre, ces nouvelles gares se ressemblent invariablement dans leur architecture, leurs commerces et plus encore, dans leur absence d’authenticité locale. De quoi vous donner envie de franchement quitter la gare, même quand vous auriez aimé prolonger vos vacances.

Soyez rassurés, ce ne sera donc pas le cas quand nous vous accueillerons à bord de nos trains, pour un voyage de Porto à Paris. Notre préoccupation sera alors de veiller tout bonnement à ne pas oublier l’un d’entre vous qui aurait oublié d’embarquer, trop occupé à contempler la beauté de sa gare de départ !

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