Cette petite ville française a ressuscité un autorail historique

Un véhicule ferroviaire unique

Vous le savez, chez Midnight Weekly, nous aimons vous faire découvrir les petites histoires de la grande Histoire du ferroviaire, comme l’étonnante trajectoire du Lézard rouge de Tunisie ou le destin spatial du train secret du désert de Gobi. Cependant, il n’est pas toujours nécessaire d’aller si loin pour découvrir de belles histoires ferroviaires. Cette fois, nous nous rendons donc en France, dans la petite ville de Richelieu, dans la région Centre-Val de Loire, fondée par le célèbre cardinal du même nom durant la première partie du XVIIe siècle. Et pour cause, c’est là qu’a eu lieu la résurrection d’un petit autorail du début du XXe siècle, assez logiquement appelé La Richelaise.

Pour comprendre l’histoire de la Richelaise, il faut remonter dans le temps. Nous nous téléportons donc quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle certains cheminots se sont illustrés par leurs actes de résistance et de sabotage à l’encontre de l’occupant nazi. Alors que la France se relève péniblement des conséquences du conflit, de nombreuses lignes secondaires sont fermées depuis la nationalisation de la SNCF en 1938. C’est notamment le cas de la ligne Richelieu/Ligré-Rivière qui, faute de rentabilité, a été remplacée par une desserte routière. Mécontents de cette décision, les habitants et la commission des cadres militants de la fédération nationale des cheminots obtiennent la réouverture de ce chemin de fer appartenant à la Compagnie des chemins de fer départementaux. Une victoire importante pour la mobilité locale.

Bien qu’adorée par ses utilisateurs, cette ligne d’environ 15,6 kilomètres à voie unique reste peu empruntée. Pour l’exploiter de nouveau de manière sensée, il faut donc un véhicule adapté à ses besoins : économique, léger et facile à entretenir. Ce sont les établissements Billards de Tours qui sont commandités. Après la création de deux prototypes — le X8011 dit La Touraine puis le X8012 appelé L’Aveyron —, ils aboutissent au X8013. La Richelaise est née. Et c’est un beau bébé puisqu’il pèse 12 tonnes et mesure 12,24 mètres de long pour 2,9 mètres de large et 3,4 mètres de haut.

Côté design, La Richelaise a le charme de son temps. Ses lignes un peu rudes et la cabine de pilotage aux faux airs de tourelle de char lui donnent un côté martial. Mais personne ne lui demande d’être un objet d’art, les gens attendent d’elle qu’elle circule à moindre coût le plus longtemps possible. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait puisque son moteur diesel, un Panhard 4HL de 80 CV la propulse à un maximum de 65 kilomètres/heure pour une consommation de carburant de 18 litres aux 100 kilomètres. Tout cela en transportant trente-deux passagers assis et vingt-cinq autres debout. Bref, La Richelaise est une belle machine, une de ces mécaniques simples qui semblent indestructibles si elles sont bien entretenues.

Plus économique encore, cet autorail peut-être exploité avec un seul agent qui vend les billets, les contrôle et conduit l’engin. Cette recette fonctionne ainsi jusqu’en 1960, date à laquelle la ligne est à nouveau fermée, probablement à cause d’un nombre de passagers trop faibles ou d’une décision politique locale que nous n’avons pas pu tracer. La Richelaise est donc laissée en gare de Richelieu où le temps la grignote un peu plus chaque jour. Elle sert parfois à un artiste, un photographe ou un cinéaste pour les besoins de son art. Mais globalement, elle ne sert plus à rien. Elle ne voyage plus que dans les souvenirs des habitants de la cité du Cardinal.

Il faudra attendre les années 2015-2016 pour que le destin de La Richelaise prenne un nouveau tournant. A l’époque, le projet d’une voie verte cyclable de vingt kilomètres entre Richelieu et Chinon est en train d’être lancé, sur le parcours de la voie de chemin de fer. C’est l’occasion où jamais de restaurer La Richelaise et de lui donner l’écrin qu’elle mérite. Après une étude menée par un expert du ministère de la Culture puis un appel d’offres, l’autorail est confié à la Compagnie Internationale des Trains Express à Vapeur, située à Saint-Jean-du-Gard. Neuf mois plus tard, La Richelaise repart comme neuve du sud de la France en convoi exceptionnel. Du système électrique à la carrosserie en passant par les sièges et les fenêtres, tout est minutieusement remis en état. Coût total de l’opération : 113 000 euros, financés à égalité par l’Etat français au travers de la Direction régionale des affaires culturelles et par le département d’Indre-et-Loire auquel appartient La Richelaise.

Véhicule ferroviaire unique, cette dernière a donc finalement été installée dans ce qui sera probablement sa dernière demeure : derrière les parois de verre de la halle aux marchandises, elle aussi entièrement rénovée, à côté de la gare de Richelieu. La Richelaise a donc été réinaugurée le 23 octobre 2022 en présence d’un public nombreux et varié : d’anciens voyageurs l’ayant empruntée, des amoureux du patrimoine ferroviaire et même, comme l’ont rapporté les médias locaux, le petit-fils de l’un de ses anciens conducteurs. Vous l’aurez compris, le X8013 ne roulera donc plus, ou alors en de très rares occasions, mais à chaque fois que quelqu’un passera dans le coin pour emprunter la voie verte, il se rappellera que les trains sont depuis longtemps les pionniers d’un transport local et durable. Même lorsqu’ils sont à l’arrêt.

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