Saison 9 - Épisode 4
Quand les avions voleront-ils tous au SAF ?

Et voilà, nous arrivons à la fin de la neuvième saison de Joli Futur. En plus d’être le trente-sixième depuis le début de la série, cet épisode est surtout la conclusion de l’un des sujets les plus capitaux que nous ayons traités ici : celui de l’aviation fonctionnant avec des carburants supposément durables (SAF). Pourquoi revêt-il une telle importance à nos yeux ? Tout simplement parce qu’il incarne la problématique la plus fondamentale qui soit en termes d’évolution des transports. Et pour cause, il représente la façon dont un certain nombre de gens se débattent pour trouver une manière de faire “moins pire” plutôt que mieux. La capacité de certains êtres humains à produire du jus de cerveau pour conserver un usage ultra polluant, sans intérêt vital et destiné aux ultra privilégiés puisque seuls 11% des humains prennent l’avion dans leur vie. Seul problème, personne n’a encore réussi à faire voler les avions au jus de cerveau.

D’ailleurs, le futur de l’avion aux SAF n’est pas vraiment brillant. Nous l’avons déjà dit la semaine dernière, en 2022, 300 millions de litres de ces carburants ont été produits. Cela peut paraître beaucoup mais ça ne représente que 0,15% de la consommation mondiale de kérosène, ce qui en dit long sur celle-ci. Ouais, ça fait un peu moins rêver… Heureusement, certains pays ont commencé à légiférer sur le sujet. Mais en laissant pas mal de temps aux avionneurs et aux compagnies pétrolières pour s’adapter. “La loi française instaure ainsi un taux de 1% de SAF depuis le 1er janvier 2022 pour tous les ravitaillements réalisés en France. Ce taux devra atteindre 2% à horizon 2025 et 5% d'ici 2030. Le Parlement européen a également adopté récemment un projet de loi exigeant l'intégration de 37% de carburants durables (comptant les SAF mais aussi l'électricité et l'hydrogène) pour les compagnies aériennes et les aéroports de l'UE d'ici 2030 et 85% d'ici 2050”, rappelle Charlotte de Lorgeril, Energy Partner au sein du cabinet Sia Partners. Quid d’une aviation qui vole entièrement aux SAF ? C’est bien simple, à ce stade de l’histoire humaine, aucun scénario réellement crédible ne le prévoit. C’est vous dire où nous en sommes.


Pire encore, ces chiffres-là ne sont que des exigences étatiques, pas des projections. Alors, oui, l’histoire a prouvé que les incitations réglementaires peuvent faire de grandes choses. Comme nous l'avons abordé dans la saison sur la voiture électrique, la loi peut faire changer le modèle de production dominant. Elle peut faire accélérer la recherche en poussant les motoristes et les constructeurs à investir. Mais tout cela a des limites. Même avec des textes contraignants, on ne transforme pas une filière qui se rebiffe pour la seule bonne raison qui vaille : l’argent. Or, justement, les SAF sont encore très très loin du compte. Et surtout, aucune loi ne peut fabriquer de la terre cultivable. Mark Twain nous l’a dit il y a bien longtemps : “Dieu n’en fabrique plus”. Or, selon Charlotte de Lorgeril : “La production de biocarburants devrait encore être largement dominée par les biocarburants de première génération d’ici à 2030.” Elle ajoute que, à cette échéance: “Aucune percée significative n’est attendue du côté des biocarburants avancés, dont la part ne devrait pas dépasser les 10 % au niveau mondial, d’après les prévisions de l’OCDE-FAO. Par conséquent, les questions agricoles resteront au cœur des enjeux politiques et géopolitiques des différents pays producteurs et consommateurs de biocarburants. Ce scénario rejoint celui de l’Agence internationale de l’énergie.” Bref, il faudra arbitrer entre les cultures alimentaires et le carburant pour avions. Mais alors quelle perspective utiliser ? 2050, lorsque 85% des carburants utilisés pour les avions seront des SAF ? 2100, en espérant que ce chiffre soit passé à 100% ? Jamais, car… ça n’arrivera jamais et que les avions seront cloués au sol bien avant cela ? Un peu les trois.

En 2050, lorsque 85% du kérosène aura été remplacé par des SAF :

  • Les océans seront montés de 28 à 63 cm et les terres arables pour produire les SAF seront plus rares que jamais.

  • Les agriculteurs regarderont passer les avions depuis les tracteurs amphibies avec lesquels ils travailleront la terre.

  • Les terres cultivables seront des produits plus recherchés que l’or et des luttes financières sans merci seront livrées pour leur contrôle.

En 2100, lorsque 100% du kérosène aura été remplacé par des SAF :

  • Selon certains scénarios, le niveau de la mer aura augmenté de 1,5 mètre et les humains ne se préoccuperont plus de voler mais de nager.

  • L’agriculture sera considérée comme une profession sous-marine et on passera le PADI de plongée dans les lycées agricoles.

  • Les plats gastronomiques auront été adaptés en conséquence : le pot-au-feu sera devenu le pot-à-eau, la choucroute sera appelée chou-coule et la crème brûlée aura été remplacée par la crème inondée.

Jamais :

  • Les avions voleront exclusivement grâce à des SAF.

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