Saison 5 -  Le train au biogaz
Épisode 1 -  Pourquoi faire rouler un train avec un tel carburant ?

Cela ne vous aura pas échappé, l’été est incontestablement là. Mais si, vous avez forcément remarqué les signes… Vous n’avez pas vu les terrasses de bar pleines à craquer ? Les Birkenstocks qui se multiplient dans notre champ de vision ? Les comptes Instagram qui se tapissent de photos de plages paradisiaques agrémentées de commentaires ironiques sur la difficulté de la vie de bureau ? Les messages gouvernementaux sur l’hydratation et les prédictions terrifiantes des experts sur les records de chaleur ? Les méga-feux ? Les températures qui transforment la vie en une infernale fournaise ? Allons, allons, vous ne faites aucun effort. Tous les éléments d’un bon été des années 2020 sont réunis sous nos yeux.



Bref, vous l’aurez compris, il n’a jamais été aussi urgent de décarboner les moyens de transport avec lesquels nous allons partir en vacances. Et pour cette cinquième saison, on se penche sur le train au biogaz. Oui, le train, le bon élève de l’industrie des transports qui, rappelons-le, représente 15% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et plus de 30% au niveau français. Tandis que, comme nous l’avions expliqué dans un précédent article, le train a un bilan carbone exceptionnellement bas par rapport à l’avion et la voiture. Mais alors pourquoi s’embêter à décarboner le champion de la décarbonation ? Pourquoi de brillants chercheurs et ingénieurs consacrent-ils leur temps à une telle activité plutôt que d’inventer des avions qui marchent à l’eau de mer ? Et surtout, pourquoi le faire avec du biogaz plutôt qu’avec une autre solution technologique ? C’est ce qu’on va essayer de découvrir ensemble.

Tout d’abord, il y a une raison purement éthique. Même s’il est bien moins émetteur de gaz à effet de serre que l’avion ou les automobiles, le train n’est pas un gros vélo fonctionnant à l’huile de genoux. Comme toutes les autres activités humaines, il a une empreinte carbone qu’il convient de faire baisser autant que possible. Il est donc capital de ne pas nous reposer sur nos lauriers bio. Avoir le grand pouvoir de transporter de grandes quantités d’êtres humains à moindres frais écologiques représente une grande responsabilité. Plus le train sera clean, plus il sera facile de faire migrer les passagers et le fret vers ce dernier. “Tout le monde s’accorde sur le fait que le train est la solution techniquement disponible la plus écologique pour transporter des passagers et des marchandises. Si on veut décarboner les transports, il faut donc migrer vers le ferroviaire et décarboner le ferroviaire”, explique Maria Lee, experte des transports et de la logistique au sein du cabinet Sia Partners. Et d’ajouter : “Les qualités écologiques du train sont notamment dûes au fait qu’une partie du réseau est alimenté à l’électricité et elles seront évidemment encore plus grandes lorsque cette électricité sera produite de manière renouvelable à 100%. Sauf que l’électrification des lignes restantes est extrêmement onéreuse et que nous n’avons plus les fonds pour le faire. Il faut donc trouver une autre solution.” En effet, comme l’indique un expert interrogé sur le site de la SNCF, chaque kilomètre de voie à Grande Vitesse coûte un million d’euros à électrifier. C’est un peu moins pour les lignes de TER qui, en France, représentent la majorité des lignes fonctionnant au diésel.


En attendant que l’argent se remette à couler sur nos économies, il existe donc trois solutions pour décarboner l’industrie ferroviaire. La première est le train fonctionnant avec des batteries. “Le principe est simple, on recharge le train sur les caténaires et on roule avec l’énergie contenue dans la batterie. Sauf qu’avec la technologie actuelle, l’autonomie moyenne n’est que d’environ 80 kilomètres. En Allemagne, où un réseau très cadencé a été installé, ça fonctionne assez bien mais ce n’est pas une technologie adaptée à toutes les lignes”, analyse Maria Lee. “Quant à l’hydrogène, ce sera une excellente solution à terme. Mais le modèle économique n’est tellement pas viable pour l’instant que c’est inimaginable. De plus, on estime que l’hydrogène vert ne sera disponible en quantité suffisante qu’en 2035. D’ici là, nous pouvons décarboner d’une autre manière, nous ne pouvons pas simplement attendre cette échéance pour agir.

C’est là que la troisième solution entre en jeu : les biocarburants. Toujours selon Maria Lee, dans le cadre du ferroviaire, ils se divisent en deux grandes catégories. D’une part, ceux dont la fabrication implique l’usage de terres agricoles pouvant être utilisées pour les cultures alimentaires. D’autre part, les biogaz, produits par fermentation de déchets organiques. “C’est une solution dont la technologie est mature et qui a fait ses preuves dans plusieurs pays d’Europe de l’Est comme la Lituanie, la Lettonie ou l'Ukraine”, développe l’experte en transports et logistique. De plus, toujours selon cette dernière, le passage au biogaz aurait l’avantage d’être relativement peu onéreux (à l’échelle d’une politique de transport, bien évidemment). Il faut simplement adapter les trains pour un coût compris entre 200 000 et 500 000 euros par train. Soit beaucoup, beaucoup moins que l’électrification d’une ligne ou l’achat de trains neufs. “Ca n’arrange pas vraiment Alstom et Siemens mais c’est une excellente solution de transition à court terme.

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