Saison 4 -  La voiture autonome
Épisode 3 -  Sont-elles vraiment écologiques ?


Allez, une fois n’est pas coutume (c’est faux), on commence par un petit résumé de l’épisode précédent. Après une bulle de quelques années où le monde se voyait bien au volant de bagnoles capables de conduire à notre place, le développement des voitures autonomes a été un peu laissé de côté par les constructeurs. Pourquoi ? D’abord, parce que tout le monde s’est vite aperçu que le stade 5 — le fameux niveau auquel il n’y a plus du tout d’intervention humaine — ne serait jamais une réalité. Ensuite, pour la simple et bonne raison que la prise de conscience écologique globale a poussé tout le secteur à se tourner vers l’électrification du parc automobile. A une époque où les mégafeux et les canicules font ployer notre planète, cela semble bien plus sensé que de promouvoir une voiture expliquant à Arnold Schwarzenegger qu’elle peut aider les jeunes à trouver l’amour.

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Car malgré le fait que les véhicules autonomes électriques aient longtemps été considérés par la Commission européenne comme un axe de décarbonation, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Premier problème, comme l’évoquait Bernard Jullien la semaine dernière, le déploiement massif des voitures autonomes, même de niveau 4, demanderait une installation massive de relais 5G. Mais ce n’est pas tout. Il faudrait également traiter et stocker de monstrueuses quantités de données. Et le mot n’est pas excessif. Selon Brian Krzanich, le CEO d’Intel, rien que ça, chaque véhicule autonome sur la route produira autant de données que 3000 internautes”. Imaginons que les 1,3 milliards de véhicules dans le monde soient remplacés par des modèles autonomes. Ça fait… ça fait… Bref, ça fait beaucoup trop. En réalité, ça représente autant de données que 3900 milliards de personnes utilisant internet. Pour rappel, nous sommes un peu plus de 7,88 milliards d’humains sur Terre en 2021 et, en 2020, nous n’étions “que” 59,6% à utiliser le web. “Alors qu’on commence à s'inquiéter sérieusement du coût écologique du numérique, une telle multiplication de nos capacités de stockage et de traitement à de telles échelles semble difficilement pensable”, estime Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et spécialiste de l’automobile. En effet, comme le rappelle le site de l’Arcep (l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la distribution de la Presse), le numérique devrait représenter 6,7% des émissions nationales de gaz à effet de serre à horizon 2040. On vous laisse faire le calcul nécessaire.

Attention, ce n’est pas fini. Vos rêves d’un monde remplis de petites Twingo qui parlent entre elles, voire se font de petites blagues d’intelligences artificielles pendant que vous dormez à l’arrière, va encore en prendre un coup. Et pour cause, pour qu’une voiture soit autonome, ou même automatisée, il lui faut des équipements. Beaucoup d’équipements. Des caméras, dont certaines très complexes, des radars, des lidars (des appareils de détection et d’estimation de la distance par la lumière), de puissants ordinateurs de bord, des capteurs et pas mal d’autres choses. Sauf que pour produire tous ces merveilleux instruments de pointe, dont sont dénuées la plupart des voitures traditionnelles ou électriques, il va falloir creuser la terre encore et encore. Car de manière générale, la sophistication des produits automobiles fait exploser la demande, encourage le développement de l’industrie minière (qui est ultra polluante) et fait augmenter les prix. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’American Mining Association qui le rappelle depuis de nombreuses années.


Enfin, histoire d’enfoncer un peu le clou, il y a les comportements non-écologiques que le développement des voitures autonomes pourrait générer. Cela ne vous aura pas échappé, tous les habitants de la planète n’ont pas tous le même rapport au dérèglement climatique. Derrière ceux qui s’inquiètent pour le futur, d’autres n’y sont pas sensibilisés pour des raisons diverses et variées. D’autres encore font de petits compromis de confort (on ne jette pas la pierre, on sait tous que c’est difficile). D’autres, enfin, n’y croient pas du tout ou s’en foutent comme de leur première batterie au lithium. Ah oui, on n’a pas encore parlé de ça parce que nous y reviendrons plus précisément lors de notre saison sur la voiture électrique. Mais quoi qu’il en soit, comme l’explique encore Bernard Jullien, la démocratisation de l’autonomie pourrait mener à des comportement problématiques : “On peut facilement imaginer que les gens laissent tourner leur véhicule faute de place de parking ou pendant qu’ils finissent leur visio-conférence alors qu’ils sont arrivés à destination…” Et oui, parfois, la menace réside autant dans la technologie que dans son usage.

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