Saison 3 /  La levée de fond

Episode 1 /  Poser les idées sur le papier - Juillet-Août 2020


Romain Payet — Cette fois, nous commençons à être sérieusement équipés. Chacun de notre côté, nous avons agrégé énormément d’informations et de contacts. Et, ensemble, nous avons réuni une équipe de rêve qui partage notre vision entrepreneuriale. Il est donc temps de poser toutes nos idées sur le papier pour avancer vers l’étape suivante : une première levée de fonds.

Cette phase de synthèse nous permet d’établir trois choses. La première est une ligne de temps qui commence au second trimestre 2020 et qui file jusqu’au lancement prévu du premier train. Vous l’aurez compris, celle-ci compile toutes les phases que nous prévoyons de traverser dans les mois et les années à venir : l’achat du matériel roulant, le design de l’intérieur des trains, les recrutements futurs, les différentes levées de fonds, etc. Bref, c’est une sorte d’agenda de la vie de Midnight Trains comme nous l’imaginons. Bien évidemment, nous sommes conscients qu’elle évoluera au fil des événements qui surviendront mais elle constitue une base de réflexion fondamentale.

A partir de cette timeline et de l’analyse des grandes masses du ferroviaire, que nous avons abordées dans la saison précédente, nous établissons un budget financier encore plus précis. Celui-ci prend en compte de nombreux éléments dont les recrutements que j’évoquais plus haut et le moment auquel ils auront besoin de se faire. Dans un temps aussi long que celui du ferroviaire, il n’est pas nécessaire pour nous de recruter certains profils trop en avance. Ce serait une perte d’argent puisque certains de nos employés n’auraient rien à faire durant des mois, voire peut-être des années.

Ce budget nous permet quant à lui d’évaluer nos besoins à environ 20 millions d’euros. Ensuite, grâce au phasage de notre ligne de temps, nous établissons qu’il nous faut 2,5 millions d’euros pour les prochains 18 à 24 mois. Pourquoi une durée si courte ? Parce que, de manière générale, les financeurs ne donnent jamais tout l’argent nécessaire à un projet en une seule fois. Ils financent des périodes allant d’un an et demi à deux ans et décident de réinvestir en fonction des résultats présentés à l’issue de celles-ci.

De tout cela, nous tirons ce qu’on appelle une présentation synthétique du projet. Celle-ci n’a d’ailleurs de synthétique que son nom puisqu’elle fait, à ce moment-là, une cinquantaine de slides. Dans les grandes lignes, elle présente notre vision du projet et du marché, le problème que nous nous proposons de régler avec Midnight Trains, comment nous prévoyons de le régler, ce que nous avons fait jusqu’à maintenant et avec quelles équipes (Adrien, moi, les ingénieurs externes, les designers, etc.). Il nous semble donc que nous sommes désormais prêts à lancer notre première levée de fonds.

Adrien Aumont — Avant de nous lancer pour de bon, nous avons tout de même une dernière série de questions que nous décidons de poser à Jean de La Rochebrochard, qui est un peu la tour de contrôle de l’amorçage de start-up en France. Les voici : “Est-ce que le projet peut rentrer dans le scope d'un VC (Venture Capital, pour fonds d’investissement en capital-risque) ? Si oui, lesquels en EU sont capables de regarder le dossier ? Si non, as-tu des conseils sur les typologies d'investisseurs à cibler ?”

A la suite de ce mail, nous planifions rapidement un entretien en visio-conférence qui, pour nous, ne servira qu’à avancer un peu dans la façon dont nous allons organiser cette levée de fonds. Sauf qu’évidemment, les choses ne se passent pas du tout comme ça. Au bout d’une dizaine de minutes, Jean nous annonce en effet que Kima Ventures, le fonds du célèbre homme d’affaires français Xavier Niel, au sein duquel il est managing partner, va investir 150 000 euros. D’ailleurs, son très influent patron a validé lui-même l’investissement. De toute ma vie, je n’ai jamais reçu un investissement aussi rapidement et, quelque part au fond de nous, je pense qu’on se dit que si Jean est intéressé, d’autres le seront également.

Nous sommes pourtant un peu pris au dépourvu lorsqu’il nous demande de lui envoyer une autre présentation synthétique du projet, beaucoup plus courte, de huit ou dix diapositives au maximum. Dans le monde des fonds d’investissements, il est en effet de coutume de présenter des projets de manière aussi brève que possible. Sauf que nous, nous ne présentons pas un logiciel ou une application de smartphone. Nous lançons une entreprise de trains, ce qui implique de raconter beaucoup plus de choses que pour la plupart des entreprises, disons, plus classiques.

Nous faisons quand même ce que Jean nous demande et nous lui envoyons ce fameux document marketing. A son tour, Jean l’envoie à tout son réseau d’investisseurs qui est globalement composé de fonds d’investissements et de business angels. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de cet univers, les premiers sont des entreprises dont les employés ont pour mission d’investir l’argent qu’on leur confie en suivant des règles assez précises. Les seconds sont des particuliers, plus ou moins professionnels, qui investissent leur propre argent dans des projets auxquels ils croient.

Lorsque Jean envoie son mail, nous sommes le 6 août 2020. Malgré le fait que beaucoup de gens soient en vacances à cette période de sortie de confinement, nous recevons des réponses. Beaucoup de réponses même.

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