Saison 3 / La levée de fond

Episode 2 /  Nos amis les VCs - Août-Décembre 2020



Romain Payet — Comme nous le disions la semaine dernière, malgré la période estivale et la fin du confinement, le mailing de Jean de La Rochebrochard fonctionne bien. Très bien même, puisque nous recevons énormément de réponses. Pourtant, à ce moment-là, nous n’avons pas vraiment mentalisé le fait que nous sommes en train de lever de l’argent. Tout ça nous arrive très vite dessus mais nous l’accueillons avec plaisir, avec confiance.

Les réponses se divisent en deux catégories. D’une part, nous avons les business angels, des investisseurs privés qui investissent leur propre argent. Ils ne composent qu’environ 5% de l’ensemble de la liste de diffusion et, globalement, ils adhèrent au projet. Ils comprennent notre vision des choses et veulent mettre un ticket, ce qui, dans le milieu, signifie qu’ils veulent investir dans le projet.

De l’autre côté, nous avons donc les VCs, les Venture Capitalists, les fonds d’investissement en capital-risque. Ils représentent 95% des gens ayant reçu le mail de Jean et 99% d’entre eux nous disent la même chose. Notre projet est trop industriel, trop long termiste et trop difficile à évaluer. Contrairement aux startups dans lesquelles ils ont l’habitude de mettre des billes, nous ne pouvons pas tester le produit ni même l’ajuster en cas de pépin. Pour cela, il faudrait avoir des trains et il faut deux ans pour les fabriquer. Rien de tout ça ne correspond à leur thèse d’investissement qui s’appuie sur trois axes différents : probabilité, temps et montant. Bref, quelle est la probabilité que je gagne rapidement de l’argent avec ce projet ?

Cette façon de réfléchir est parfaitement justifiée. Ces gens sont des professionnels de l’investissement. Des fonds de pension, des grandes banques, des assurances et autres leur confient d’énormes sommes pour qu’ils leur fassent gagner de l’argent. Ils regardent donc les projets en utilisant une grille, ils ne fonctionnent pas avec leurs tripes. Et c’est bien normal. Mais d’août à octobre 2020, nous n’essuyons que des refus et cela fait bien évidemment échouer cette première levée de fonds quelque peu imprévue. Nous sommes très loin d’obtenir les 2,5 millions d’euros dont nous estimons avoir besoin.


Face à ce constat, nous réalisons que nous avons ciblé, un peu malgré nous, le mauvais profil d’investisseurs. Nous avons besoin de gens qui voient les choses comme nous, qui partagent nos idées et qui croient au fond d’eux que Midnight Trains va fonctionner. Ces gens-là, nous l’avons compris, ce sont en fait les business angels mais, puisque ce sont des particuliers, nous ne pouvons pas espérer lever autant d’argent que nous l’avions prévu au départ. Nous avons donc besoin de réviser ce montant à la baisse et de créer un nouveau narratif. Or, il y a justement un nouvel élément qui va nous permettre de le faire.

En parallèle de tout cela, nous avons commencé à chercher du matériel roulant et nous avons trouvé des trains d’occasion appartenant à un constructeur espagnol. C’est le matériel que Luigi Martinelli, dont nous avons parlé il y a quelques épisodes, a audité pour un autre client. Grâce à ce matériel d’occasion que nous envisageons d’acheter, qui coûte moins cher que du matériel neuf, nous pouvons  faire tourner à nouveau tous nos calculs et écrire une autre histoire.

Après avoir pris un mois pour nous mettre au clair et nous être isolés tous les deux chez Adrien pendant quelques jours, nous sommes prêts à amorcer une nouvelle levée de fonds. Cette fois, nous la faisons avec Super Capital, une société dirigée par Corentin Orsini et Frédéric Bouleuc, qui, via sa newsletter, présente notre projet à une centaine d’entrepreneurs cherchant à investir dans des projets qui leur parlent.

Adrien Aumont — A ce moment-là, nous avons déjà environ 300 000 ou 400 000 euros. Malgré l’échec de la première levée de fonds, Kima Ventures ne nous a pas lâché et quelques amis ou amis d’amis nous ont également promis d’investir. Parmi eux se trouvent un proche de Romain, le patron d’une grosse PME, qui nous fait entièrement confiance, ainsi que Patrice Haddad, président du Red Star Football Club et de la société de production Première Heure, dont je suis proche et qui a ramené deux autres gros investisseurs.

A la suite de ce second mailing, les réponses sont à nouveau nombreuses et nous nous lançons donc dans une série de visioconférences et de rencontres pour présenter notre projet à ces investisseurs potentiels. Et cette fois, c’est la délivrance. Nous avons choisi la bonne cible, créé un narratif cohérent, demandé un montant pertinent par rapport aux profils auxquels nous nous adressons. Pour résumer, nous avons créé de la cohérence et cette cohérence paie. Au point que nous sommes sur-souscrits, nous avons trop de propositions de tickets par rapport à ce que nous avons demandé.

Après réflexion, nous décidons d’accepter tout le monde et nous nous retrouvons avec un total d’1,3 million d’euros. Ce n’est pas anodin car, lorsqu’on lève des fonds, chaque centime dilue un peu plus nos parts. Nous avons donc pas mal hésité lorsque, deux jours avant la clôture, une super business angel décide d'investir à son tour : Pauline Duval, élue première femme investisseuse de l’année 2020-2021 par le classement Challenges-Angelsquare. Mais il nous semble tout de même que c’est la bonne chose à faire à ce moment-là. Après tout, cette somme nous est donnée par une quarantaine de personnes, ça fait du monde mais cela nous permettra d'avancer sans perdre notre gouvernance.

Enfin, il y a un dernier investisseur dont nous aimerions vous parler, Stéphane Noirie. Après avoir reçu la newsletter de Super Capital, il nous a appelés en nous disant qu’il était prêt à mettre un petit ticket, quelques dizaines de milliers d’euros, mais qu’il croyait d’autant plus fort au projet qu’il connaît bien le secteur. Et pour cause, il travaille lui-même pour un fonds d’investissements spécialisé dans les infrastructures qui a acheté deux lignes concurrentes du gestionnaire du réseau français. Une fois encore, c’est de manière indirecte, par rebond, qu’une personne qui va jouer un rôle-clé arrive dans l’aventure Midnight Trains.

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