Saison 10 - La deuxième levée de fonds

Épisode 15 - Mai-Juin 2023 - Un géant public entre dans la danse

Adrien Aumont — Notre seconde opportunité n’est pas un ticket de loterie gagnant ou une rencontre dans un dîner. C’est un mail. La réponse d’un fonds public à une sollicitation de notre banque d’affaires et donc le fruit du travail de ses équipes. Le coup de chance tient plutôt au moment où nous recevons ce mail. En effet, ce fonds est un grand — mais souvent silencieux — acteur français de l’investissement durable et responsable. Son nom, que nous ne pouvons pas citer pour d’évidentes raisons de confidentialité, n’est pas bien connu du grand public. Mais dans les milieux financiers, personne ne l’ignore.

Notre banque d’affaires, elle, connaît bien ce fonds. Spécialisée dans les projets verts, elle a souvent collaboré avec ses équipes. Elle leur a donc naturellement envoyé le dossier de Midnight Trains quelques mois auparavant. Et elles sont intéressées. Très intéressées même. Ce sont essentiellement des gens jeunes, de notre génération, dans l’air du temps. Qui, contrairement à nombre de financiers auxquels nous avons été confrontés, comprennent immédiatement la pertinence du sujet. Tous et toutes croient à la nécessité de relancer des trains de nuit pour relier les grandes villes européennes et concurrencer l’avion court-courrier. Mieux encore, ils saisissent les enjeux d’intimité et de convivialité qui sont nécessaires à une modernisation de ce moyen de transport nocturne. En fait, comme nous, ils sont convaincus que le train de nuit est le futur de la décarbonation de la longue distance.

Nicolas Bargelès — Malgré leurs convictions, les équipes de ce géant public ne chôment pas. Comme leurs homologues privées, elles nous interrogent sur la nature du modèle, son fonctionnement, le choix du constructeur et ainsi de suite. Cela se passe au cours de multiples rendez-vous en visio ou en personne comme nous vous les avons désormais décrits à de nombreuses reprises. Il existe tout de même deux différences majeures. La première, c’est que les équipes ne nous challengent pas sur la pertinence du projet. Elles y croient. La seconde, c’est qu’elles poussent cependant l’enquête à un autre niveau. Elles contactent par exemple nos anciens collègues et/ou employeurs. Ceux d’avant Midnight Trains. Elles vérifient qu’il n’y a pas de cadavres dans les placards.

Romain Payet — Assez rapidement, ce fonds nous délivre donc une lettre d’intérêt. Vous le savez désormais, il s’agit d’un document indiquant qu’ils sont prêts à nous soutenir si un certain nombre de conditions sont remplies avant une certaine échéance. Avec celle du fonds qui a pris la direction du financement de l’OpCo dans l’épisode précédent, c’est la deuxième qui tombe dans notre escarcelle. C’est d’ores et déjà plus qu’au moment du montage avec le géant de l’hôtellerie et le géant français de l’investissement. Bref, à peine quelques semaines après leur chute, nous voilà repartis sur de bons rails.

Quant aux montants promis par cet acteur public, ils sont très importants. Ils peuvent aller jusqu’à huit chiffres dans l’OpCo et huit chiffres dans l’AssetCo, respectivement la société opérationnelle et la société qui portera les actifs (les trains). De petits huit chiffres mais des montants à huit chiffres tout de même. Il serait franchement malhonnête de s’en plaindre. Mais il reste encore une spécificité dans la façon de fonctionner de ce fonds. Par la nature de son mandat de l’État français, il ne peut pas être le principal investisseur de Midnight Trains, dans aucune des deux structures. Il se doit d’être un investisseur suiveur, afin que le rôle de la France au sein des acteurs privés reste limité. Le fonds se propose donc d’investir un tout petit peu moins que le fonds majoritaire dans l’OpCo et quelques millions de moins qu'un futur investisseur dans l’AssetCo. C’est d’ailleurs cette dernière qui l’intéresse le plus puisque sa mission consiste principalement à investir dans des actifs.


Adrien Aumont —
Seul problème, nous n’avons plus d’investisseur principal pour l’achat de nos deux premiers trains. Heureusement, c’est là qu’intervient notre troisième coup de chance. Celui d’un refus d’interview puis d’une information qui fuite dans la presse spécialisée. Celui qu’on ne voyait pas venir et qui débarque d’Europe du Nord pour nous proposer de nous aider à acheter nos trains. Parfois, la vie nous envoie des signes tellement évidents qu’il est presque impossible de passer à côté.  

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