Saison 6 -  L’avion solaire
Épisode 3 -  A quoi peut-il bien servir ?


Vite, faites un vœu ! Pourquoi ? Eh bien parce que notre planète est en pleine traversée des Perséides, un essaim de débris laissés par la comète périodique 109P/Swift-Tuttle qui prennent la forme d’étoiles filantes dans notre ciel. Comment ça vous n’avez pas d’idée de voeux ? Quid de souhaiter que la planète arrête de se réchauffer à la vitesse d’un Boeing 747 lancé à pleine vitesse ? Histoire que les enfants de nos enfants puissent eux aussi regarder le ciel… Ou que les avions court-courriers soient remplacés par des trains de nuit réinventés à la fois intimes et conviviaux ? Bon, d’accord, ça c’est notre souhait à nous. Mais bon, on espère bien qu’il vous tente aussi.


Quoi qu’il en soit, si vous levez la tête vers la voûte céleste au cours des prochains jours, il y a une chose que vous êtes certains de ne pas voir : des avions solaires. Eh oui, on sait que c’est un peu déprimant mais une fois encore, il nous incombe de vous dire que ce n’est pas cette technologie qui sortira l’aviation de son marasme écologique. Aussi impressionnants soient-ils les Solar Impulse 2 et les Zephyr S n’accoucheront pas de descendants capables de transporter des centaines de passagers d’un bout à l’autre de la planète. Car comme le rappelle le chercheur de l’université d’Oxford Neil Ashton dans The Conversation, l’avion de Bertrand Piccard et André Borschberg est équipé de quatre moteurs à hélice qui “possèdent une puissance de 70 chevaux, identique à celle d’une voiture familiale”. Il ajoute : “À titre de comparaison, les moteurs d’un Boeing 747 ont une puissance équivalente à celle de 1 000 voitures. La quantité de cellules solaires et plus encore le nombre de batteries nécessaires pour produire et stocker une telle énergie rendent ce projet d’avion impossible au regard de la technologie actuelle.”

Heureusement, tous les avions n’ont pas besoin de déployer une telle puissance. En fait, il existe même des avions dont les besoins énergétiques seraient — avec un peu de recherche et d’investissement — potentiellement compatibles avec une telle technologie. Ce sont les tout petits porteurs ou les avions de tourisme. “Ce serait extrêmement pratique pour nous”, explique Gérard Feldzer, ingénieur, pilote et président d’Aviation Sans Frontières. Parmi ses nombreuses missions humanitaires, cette ONG se pose notamment dans des zones très difficiles d’accès par voie terrestre pour livrer des médicaments, du matériel médical ou de la nourriture. “Nous nous posons souvent dans des endroits où il est extrêmement difficile de trouver du pétrole pour faire redécoller nos avions”, poursuit celui qui se définit comme un schizophrène assumé, un écologiste aux 20 000 heures de vol et aux 160 000 litres de pétrole à lui tout seul. “Des avions capables de voler au solaire ou au moins de se recharger pourraient nous permettre de continuer à assurer ce genre de missions plus facilement et avec une empreinte carbone beaucoup plus faible”. Un constat que l’on pourrait étendre à d’autres missions de la petite aviation, comme le survol maritime pour compter les bancs d’animaux marins, la lutte contre les incendies ou encore les missions de sauvetage. Puisque cette aviation-là est nécessaire, autant la rendre aussi neutre en carbone que possible.


Dans la même logique, nous pourrions utiliser l’espace des aérodromes pour alimenter des avions solaires d’un autre genre. Ceux qui, plutôt que de capter directement le soleil eux-mêmes, fonctionneraient avec des batteries rechargées grâce à l’énergie solaire. “Rien que sur le territoire français, il y a plus de 500 aérodromes qui font tous entre quatre-vingts et cinq cents hectares. Puisque la question de l’espace est toujours au centre de la question de l’énergie solaire, ce sont des zones que nous pourrions utiliser pour installer des champs de panneaux et produire de l’électricité pour les petits avions. Nous pourrions même imaginer, comme y réfléchissent déjà des ONG, de faire coexister ces installations avec de l’agriculture et de la protection de la biodiversité”, défend encore Gérard Feldzer. Il rappelle d’ailleurs qu’il existe déjà de petits avions électriques (pas solaires mais quand même) de tourisme comme le Velis Électro de la marque Pipistrel. Et vous savez quoi, c’est silencieux, propre et pas moins sûr qu’un bon vieux moteur au kérosène.


Vous l’aurez compris, ce n’est pas demain que de grands planeurs solaires pleins à craquer de voyageurs navigueront entre les étoiles filantes et les feux d’artifices du 15 août. En revanche, il est bien possible que cette technologie permette de conserver à moindre coût écologique les avions dont nous avons besoin. Voire transformer des espaces aujourd’hui rendus inutiles par l’aviation de tourisme en lieux utiles à la planète et à la production d’énergie propre. Et puis qui sait, cela pourra peut-être se répandre à d’autres moyens de transports, à des voitures, des motos, des bateaux ou encore des trains.

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