Les régions demandent 100Md€ pour le rail français

Un new deal ferroviaire

Nous l’avons vu dernièrement, la Belgique a un plan ambitieux pour moderniser son rail, qu’il transporte des passagers ou des marchandises. Cela a-t-il inspiré certains dirigeants français ? C’est ce que laisse penser la tribune que quinze dirigeants et dirigeantes de régions ont cosignée et publiée dans le journal Le Monde. Dans celle-ci, ces hommes et ces femmes de différents horizons politiques appellent le gouvernement du pays à mettre en place un new deal ferroviaire se chiffrant à 100 milliards d’euros sur 10 ans, entre 2023 et 2033. C’est ce plan dont nous allons vous parler aujourd’hui. 

La première chose que révèle cette tribune, c’est que les élus à la tête des régions françaises ont bien compris que la modernisation du réseau ferroviaire de l’hexagone n’était pas une question politique mais une nécessité absolue. Ainsi, parmi les signataires, des barons de la droite comme Xavier Bertrand (président de la région des Hauts-de-France), Valérie Pécresse (présidente de la région Ile-de-France) et Laurent Wauquiez (président de la région Auvergne-Rhône-Alpes) côtoient des socialistes comme Carole Delga (présidente de la région Occitanie et de Régions de France) et François Bonneau (président de la région Centre Val-de–Loire). Plus intéressant encore, la liste des signataires révèle que les territoires dits d’Outremer et la Corse se sentent tout aussi concernés par le rail que le sont les régions métropolitaines. On y trouve donc Huguette Bello (présidente de la région Réunion), Gilles Simeoni (président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse) ou encore Ary Chalus (président de la région Guadeloupe).

En ce qui concerne le rail, cette étonnante coalition ne mâche pas ses mots puisqu’elle appelle à provoquer “le choc d’une offre ferroviaire”. Dans un contexte de fin des énergies fossiles, de pouvoir d’achat impacté par la guerre en Ukraine et de dérèglement climatique, il leur apparaît en effet que le train “répond concrètement aux préoccupations de mobilité du quotidien, de pouvoir d’achat et de vie dans nos villes comme dans nos campagnes.” Un constat que nous défendons si farouchement chez Midnight Trains que nous ne pouvons que nous réjouir de la savoir partagé par ceux qui dirigent les territoires d’un pays aussi important. Car, comme le rappelle cette tribune, la France possède l’un des réseaux les plus denses d’Europe et du monde. Chaque jour, les 8 000 trains régionaux et les 6 200 Transiliens et RER transportent en effet environ 13 millions de voyageurs et de scolaires. Des chiffres qui pourraient encore être augmentés à condition que les infrastructures et le matériel roulant soient modernisés.

Si la France possède un indéniable savoir-faire en matière de ferroviaire, son rail est vieillissant. Si le gouvernement veut continuer à exporter cette technologie comme il l’a fait en Corée du Sud avec le KTX, un très proche cousin du TGV bleu-blanc-rouge, il faut donc agir. Mais même avec toute la bonne volonté du monde et le soutien de nombreuses régions de France quelles que soient leurs couleurs politiques, une telle remise à niveau ne se fait pas sans dépenser de l’argent, beaucoup d’argent. C'est pourquoi les quinze élus se trouvant derrière cette tribune n’appellent pas seulement le gouvernement à agir, ils lui demandent une somme concrète : 100 milliards d’euros sur 10 ans, soit 10 milliards par an entre 2023 et 2033. 

Or, ce montant n’est pas un chiffre symbolique. C’est celui que Jean-Pierre Farandou, le patron de la SNCF, estime nécessaire pour faire passer la part modale du train de 10% à 20% et décarboner un peu plus les transports français. Selon lui, cet effort supplémentaire, dont il considérait qu’il pourrait être consenti à hauteur de 50% par l’Etat, permettrait de mettre en place différentes initiatives allant dans ce sens. Parmi celles-ci, il évoquait notamment la création de RER métropolitains dans 13 grandes villes françaises, la création de nouvelles lignes à Grande Vitesse, le doublement de la part du fret ferroviaire et la réduction des postes d’aiguillage grâce à des commandes centralisées. Les élus des régions voient même encore plus loin puisqu’ils évoquent également la nécessité d’investir dans le train à hydrogène et dans une billettique favorisant l’intermodalité.

Plus encore que la modernisation d’un moyen de transport existant, les signataires de la tribune voit dans ce “new deal ferroviaire” un enjeu écologique, économique, social, industriel, technologique et patrimonial. Ils défendent l’idée que le réseau ferré français est un bien commun de la Nation doublé d’un moyen de réduire l’impact des transports tout en libérant la créativité des entreprises du secteur. A cela s’ajoute la nécessité de reconnecter les territoires entre eux et de développer ceux qui font face à des contraintes particulières comme les Outremers et la Corse. Enfin, ils soulignent que la modernisation à laquelle ils appellent est une nécessité pour que la France reste au niveau de ses voisins. Comme ils le rappellent, les Belges ne sont pas les seuls à voir grand puisque les Allemands prévoient d’investir 90 milliards dans leur secteur ferroviaire contre 180 milliards d’euros pour les Italiens.

Pour résumer, nul besoin de partager les vues politiques de l’un ou l’autre des élus qui ont passé cet appel au gouvernement pour soutenir l’idée d’un investissement massif dans le ferroviaire français. Il suffit pour cela d’admettre l’évidence : un rail moderne bien pensé et bien entretenu est, au minimum, un pilier fondamental de la construction d’un monde plus connecté et plus écologique. Si vous voulez notre avis, c’est même le plus important de tous. Mais ça, vous vous en doutiez déjà sûrement.

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