Ces ouvertures du rail qui ont changé le ferroviaire

Épisode 2 - L’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence


Après
un premier épisode sur la privatisation du secteur ferroviaire britannique, notre série sur les ouvertures du rail à la concurrence se penche cette fois sur l’ouverture du fret en France. Car si le train est le plus souvent vu comme un moyen de déplacer les êtres humains, il est évidemment aussi un moyen historique de convoyage des marchandises. Allez, on embarque entre les caisses de produits usinés et les poutrelles métalliques. 

L’ouverture à la concurrence du fret a commencé presque vingt ans avant celle du transport de passagers dont nous parlons souvent dans les colonnes de Midnight Weekly. En 2003, une directive européenne impose en effet aux pays membres de l’Union Européenne (UE) de l’ouvrir au plan international. L’année suivante, en 2004, Europorte 2, une filiale d’Eurotunnel, est la première entreprise sans lien avec la SNCF à obtenir une licence ferroviaire. En 2005, la société CFTA-Cargo, filiale du groupe de transports Connex, fait rouler le premier train de fret entre Dugny-sur-Meuse, dans le département de la Meuse, et Völkingen, dans le Land allemand de la Sarre, où se trouvent des aciéries. L’opération est belle et bien lancée. 

Une nouvelle directive européenne est adoptée en 2006. Cette fois, l’obligation d’ouverture à la concurrence du transport de marchandises s’étend aux lignes intérieures de l’hexagone. En quelques années, plus de vingt opérateurs privés - dont ECR et Europorte, respectivement sous contrôle de la Deutsch Bahn et d’Eurotunnel - viennent disputer ses parts de marché à la SNCF. Au point qu’ils captent près de 40% de celles-ci. C’est un coup dur pour l’opérateur public pour lequel le fret s’était toujours avéré être une source de rentabilité. Elle est toutefois parvenue à garder la moitié du marché jusqu’à aujourd’hui. 

Cette ouverture se passe pourtant dans la douleur. En 2016, il apparaît que les tarifs du fret français sont très inférieurs à ceux des autres pays européens, malgré l'obligation européenne de justesse des prix en fonction des coûts réels. Résultats : l’Etat français réduit progressivement son soutien financier au secteur. Ainsi, les péages de celui-ci ont vocation à augmenter de 4,6 % par an entre 2018 et 2027. Soit une hausse de 56,8% en dix ans, sans compter l’inflation.

Sans qu’un lien direct puisse être fait avec cette dernière décision, le fret ferroviaire traverse une profonde période de déclin. Alors qu’il représentait encore 30% de transport de marchandises en 1984, il ne pèse plus aujourd’hui que 9%. Ainsi, en 2019, les tortillards français ont déplacé 89,3 millions de tonnes dont 25,5 millions de tonnes pour les échanges internationaux. Une véritable catastrophe que les immenses qualités du fret ferroviaire n’ont pas pu enrayer jusque-là. Ce dernier est effectivement moins polluant, moins bruyant, moins dérangeant et beaucoup moins dangereux que son homologue routier. Seule la question dite du dernier kilomètres, soit le transport entre le train et la destination finale du produit, représente encore aujourd’hui une grande marge de progression. Puisqu'elle est le plus souvent assurée par des camions. 

Bien conscient de ce paradoxe, l’Etat français compte bien redonner de la force au fret ferroviaire. En 2020, le Gouvernement a ainsi mis en place une Stratégie nationale contenant 72 propositions concrètes issues d’un long travail commun entre les acteurs du secteur. Ces derniers ont d’ailleurs signé un pacte de développement sobrement nommé Alliance 4F, pour Fret Ferroviaire Français du Futur. Au programme, trois axes principaux : faire du fret ferroviaire un mode de transport attractif, fiable et compétitif, agir sur tous les potentiels de croissance du fret ferroviaire et accompagner la modernisation et le développement du réseau. De quoi s’occuper un bon moment vu l’état du secteur et les objectifs de l’Etat. Ces derniers consistent en effet à faire passer le fret ferroviaire à 18% du marché dans les années qui viennent et à 25% à horizon 2050. Il nous reste à espérer que cela fonctionne, pour le bien du rail français.

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