Aux temps des festins ferroviaires

Une armada au service du faire bombance

Un bonne table pour plus de convivialité à bord, c’est l’un de nos credo à l’heure de préparer les trains qui vous accueilleront pour vos voyages en Europe au départ de Paris. Et pas question pour nous de lésiner sur ce qui sera à la carte : produits de saison sourcés avec soin, cocktails maison, bières artisanales et vins vivants, le tout servi à table, au bar ou en chambre. Tout simplement parce que pour nous, le bonheur que vous pourrez avoir à vous attabler contribuera à vous faire voyager avant même d’être arrivé à destination.

On l’oublie souvent : s’alimenter à bord d’un train, cela n’a pas toujours consisté à engloutir un fade wrap poulet-mayonnaise, bourré de conservateurs car souvent conçu plusieurs semaines avant que vous n'ouvriez son emballage plastique. Longtemps, l’art de la table a au contraire participé au mythe du voyage en train, sans doute en raison de la grandiloquence gastronomique poussée à l’extrême dans les trains de luxe mythiques comme le Train Bleu, L’Orient-Express ou encore le Transsibérien. Jugez plutôt avec pour commencer cette description du wagon-restaurant de L’Orient-Express par Adolphe Opper de Blowitz, correspondant du Times à Paris, à la fin du XIXe siècle.

“En avant des deux wagons et du fourgon, les rideaux coquettement relevés, le wagon-restaurant jette un éclat extraordinaire sur la scène tout entière. Les grands becs de gaz comprimé éclairent une véritable salle de festin. Toutes les tables du restaurant, deux par deux, se faisant face, celles de quatre couverts à droite, celles de deux couverts à gauche, sur sept rangées, sont dressées d’une façon somptueuse. La blancheur des nappes et des serviettes fantastiques pliées avec un art coquet par les sommeliers du restaurant ; le scintillement transparent des cristaux ; les rubis du vin rouge ; les topazes du vin blanc ; le pur cristal de l’eau à travers les carafes, et les casques argentés des bouteilles de champagnes, jettent une note éblouissante sur la foule au dehors et au dedans, et donnent comme un démenti vivant à la tristesse des physionomies et regrets invraisemblables des partants”.

Voilà pour le décor de l’époque, et les mets n’étaient pas en reste à l’heure de proposer rien de moins qu’un festin roulant. Prenons l’exemple du menu du déjeuner proposé le 8 avril 1907 : œufs brouillés aux truffes, côtelettes de veau et leurs pommes purée duchesse, aspic de foie gras à la Lucullus. On ne se refuse rien. Les appétits les plus aiguisés pouvaient même pousser le coup de fourchette jusqu’à continuer avec une oie de Styrie rôtie, un parfait aux pralines, une glace à la crème, un plateau de fromages, et un café et son dessert en guise de bouquet final. La frugalité n’était pas de mise et les petits plats, systématiquement mis dans les grands.

Tout ça quand même, à bord d’un train au début du XXe siècle ! C’était alors rendu possible par une organisation impressionnante. Une bonne partie des plats étaient conçus à bord dans l’enclave microscopique de la cuisine du wagon-restaurant, aménagée à la façon d’une cabine de bateau. Pas d’espace perdu, tout était pensé de sorte à ce que les rangements y soient optimaux. Les plats étaient aussi composés au gré de ce que les arrêts du train rendaient possible en matière de ravitaillement : de l’art de jouer avec les circuits-courts alentour aux gares.

Si le chef et sa brigade venaient à manquer d’un ingrédient à bord, impossible alors de dégainer son téléphone portable pour passer commande en un rien de temps. Une solution, à laquelle on pourrait donner le surnom de patate voyageuse, avait alors été trouvée : le chef écrivait sur un morceau de papier ce qui lui était indispensable, avant de glisser la missive dans le trou qu’il avait formé dans une pomme de terre. Puis, il lançait le tout à un agent de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CWIL), lors d’un passage sans arrêt du train dans une gare. Au prochain stop, il se voyait livrer ce dont il avait besoin. Easy.

Ce système D avait certes un charme rocambolesque mais à mesure que la CWIL a continué à développer de nouvelles lignes au début du siècle dernier, les volumes de commandes de plat ont ensuite rendu nécessaire de créer une véritable armada logistique. C’est ainsi qu’avant la Première Guerre mondiale, elle installe sa première cuisine centrale, place des Vosges à Paris, où sont préparés une partie des aliments, avant la finalisation des plats à bord.

D’autres cuisines centrales ainsi que des magasins généraux, localisés aux terminus des lignes de la CWIL, complèteront ce qui va devenir un dispositif redoutable au service du bon plaisir des estomacs embarqués. Le plus grand de ses sites sera celui de Saint-Ouen où au-delà de la cuisine centrale, elle y entreposera jusqu’à 200.000 bouteilles de vin et créera un magasin de vaisselle et ustensiles, digne de la caverne d’un Ali Baba à cheval sur l’étiquette de la table. Cet espace ne sera pas vain : en 1948, la CWIL en arrive à acheter 10 tonnes de légumes et 800 kg de fruits par jour, ainsi que 10 tonnes de viande par semaine.

Sans arriver à l’extrême de ces agapes d’un autre temps, nous sommes convaincus que réenchanter les trains de nuit passe aussi par l’offre d’une bonne table à bord. Sans doute car le temps suspendu que rend possible un voyage en train de nuit, se marie bien avec celui que favorisent la convivialité et la commensalité, à l’heure de s’attabler. Il nous tarde de vous faire découvrir ce que sera une bonne table à la sauce de Midnight Trains !

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