À bord de l’incroyable train iranien classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

Merveille ferroviaire

Cela ne vous aura pas échappé, l’Iran traverse une période particulièrement sombre de son histoire. Depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022 à l’issue de sa garde à vue pour un voile “mal mis”, de très importantes manifestations antirégime, réprimées avec une inacceptable violence, secouent le pays. Des évènements qui en disent long sur l’envie de liberté du peuple iranien, dont le pays est très isolé par les tensions géopolitiques entre la République islamique, les Etats-Unis et un certain nombre d’autres Etats. Aujourd’hui, pour rendre hommage à ce combat ainsi qu’à l’incomparable beauté de l’Iran, nous avons donc décidé de vous embarquer à bord de l’un des trains les plus exceptionnels de la planète : le Trans-Iranian Railway.

Notre voyage commence à Bandar-e Torkaman, une ville portuaire du Nord de l’Iran, située sur les rives de la mer Caspienne. La gare n’est pas immense, c’est un petit bâtiment à la blancheur passée, doté d’une tourelle et percé de grandes fenêtres. De petits groupes de voyageurs, essentiellement des familles, entrent et sortent sans se presser. La plupart d’entre eux ont ou vont passer du temps avec leurs proches habitant dans une autre ville. D’autres voyagent dans le cadre de leur travail. Alors que vous avez les yeux dans le vague, quelqu’un vous interpelle pour vous demander si vous êtes perdu et vous indique la direction de votre train. Vous venez de faire l’expérience de la légendaire hospitalité iranienne, souvent oubliée tant les voyageurs sont devenus peu nombreux dans le pays.

Mais la véritable expérience qui vous attend est bien celle du voyage. Comme le laisse deviner son nom, le Trans-Iranian Railway parcourt le pays de part en part, de la mer Caspienne donc, jusqu’au golfe Persique, en passant par plusieurs centres culturels et urbains du pays dont la capitale, Téhéran. Longue de 1 394 kilomètres, cette ligne classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2021 a surtout la particularité de traverser quatre zones climatiques différentes, ce qui est la promesse de paysages aussi variés qu’éblouissants. En effet, comme le rappelle le site de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, le parcours de ce tortillard de légende sillonne à travers deux chaînes de montagnes, des rivières, de profondes gorges, des hauts plateaux, de très anciennes forêts, de splendides plaines et des paysages désertiques. Il suffit donc de regarder par les fenêtres, ou parfois de faire un petit arrêt, pour profiter des incroyables forêts hyrcaniennes, elles-mêmes classées par l’UNESCO, ou du Mont Damāvand. Ce dernier, qui est le plus haut sommet d’Iran, est entouré de sources chaudes et habité par de nombreuses légendes locales. Et pour ceux qui sont plutôt branchés archéologie que nature, il suffit de s’arrêter à Qom, ville sainte du chiisme au patrimoine religieux et culturel absolument incontournable. Bref, il n’est pas difficile de comprendre que la construction de cette ligne de chemin de fer a été un véritable défi technique.

La preuve par les chiffres : toujours selon la même source, le train transiranien passe par 174 grands ponts, 186 petits ponts et 224 tunnels dont 11 dits “en spirale”, construits par un total de 70 000 ouvriers. Sauf que cet incroyable parcours a été bâti à partir de 1925 pour se terminer entre 1938 et 1939, ce qui a donc demandé de déployer des trésors d’intelligence et de créativité d’ingénieuriales. Pour cela, le gouvernement iranien de l’époque a donc collaboré avec pas moins de 43 entreprises étrangères afin de ne pas donner trop de pouvoir aux différentes puissances à l’œuvre dans ce gigantesque chantier. L’ensemble de ce dernier a d’ailleurs été financé par une taxe nationale pour les mêmes raisons. Après l’invasion de l’Iran par les forces alliées en 1941, ce train a pourtant, paradoxalement, beaucoup servi à des forces étrangères. Selon Mikiya Koyagi, l’auteur du livre Iran in Motion: Mobility, Space, and the Trans-Iranian Railway, interrogé par le magazine américain National Geographic, les Alliés ont accéléré le trafic de la ligne, développé certaines infrastructures et ont importé des locomotives diesel pour remplacer celles à vapeur qui étaient utilisées jusque-là.

Si les évolutions de ce train ont indéniablement transformé la mobilité des Iraniens, ces derniers ont pourtant mis du temps à l’aimer véritablement. Comme le dit encore le chercheur, les habitants n’appréciaient pas vraiment les taxes élevées liées à sa construction puis à son fonctionnement. De plus, certains habitants ont été déplacés ou expulsés sans compensation parce que leurs habitations se trouvaient sur son tracé. Enfin, il a créé une importante route commerciale et humaine qui a appauvri certaines villes et certains villages qui se trouvaient autrefois sur le passage des marchands. Avec le temps, les choses ont cependant évolué et ce train unique au monde a progressivement trouvé une place dans le cœur des Iraniens. Il ne nous reste plus qu'à espérer qu’il en trouvera aussi une dans celui des futurs visiteurs d’un Iran libre et réintégré à la communauté mondiale.

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