Saison 6 - À boire et à manger

Épisode 1 - Ni resto étoilé, ni sandwiches triangles


Adrien Aumont — L’offre de restauration de Midnight Trains est au cœur de la vision initiale du projet. Et pour cause, elle découle de l’expérience en train de nuit qui m’a inspiré cette idée et que j’ai déjà racontée dans le tout premier épisode de Confidences. Pour rappel, ma compagne venait de décider qu’elle ne prendrait plus jamais l’avion et avait donc remplacé notre vol pour l’Italie par un train de nuit. Pour faire passer la pilule, elle avait acheté près de chez nous de l’excellente charcuterie, de délicieux fromages, du très bon pain et un magnum de Morgon de chez Jean Foillard. Tout ce que j’aime donc.

Si elle a fait ça, c’est parce qu’elle me connaît bien. Elle sait que j’ai un problème avec la nourriture. Si j’ai faim, je suis de mauvaise humeur. Mais si je mange mal, c’est pire. Je préfère d’ailleurs avoir le ventre creux plutôt que de manger quelque chose de mauvais. Je me dis que je me rattraperai au prochain repas en savourant quelque chose qui me fait plaisir. Avec ce pique-nique ferroviaire improvisé, je me suis dit qu'il n’y avait pas besoin de plus que ça pour passer un excellent repas à bord d’un train. De bons produits, dans une ambiance agréable.

Des mois plus tard, lorsque Romain et moi avons commencé à réfléchir à notre offre de restauration et à regarder ce qui se faisait ailleurs, cette vision s’est imposée à nous. Les opérateurs se plient en quatre pour avoir l’air de servir quelque chose d’exceptionnel. Ils font appel à de grands chefs — dont on se demande bien ce qu’ils viennent faire dans cette galère — pour sortir des plats qui suivent tous la même formule : un nombre incalculable d’ingrédients, une exécution en laboratoire, une logistique complexe et un résultat au mieux médiocre. Le constat est le même dans l’aérien. Les compagnies font appel à de grands noms mais une fois le plat servi, les légumes sont mal cuits et la viande ne ressemble à rien qui donne envie de manger. Parfois, la sauce est réussie mais ça ne suffit pas à sauver l’ensemble.

Notre idée, c’est qu’il vaut mieux manger une bonne mozzarella avec une bonne huile d’olive, un bon sel et un bon poivre plutôt que l’un de ces plats ultra-transformés que j’évoquais. Ce n’est pas une question de goût. Tout le monde préfère un bon frichti créé avec de bons produits plutôt qu’un plat industriel, même si la recette a été conçue par un homme ou une femme ayant reçu les fameuses étoiles du Guide Michelin ou les équivalents de ses homologues. Surtout quand ces mêmes chefs prônent l’ultra simplicité dans leurs restaurants et que l’époque est à la sobriété.

De plus, nous voulons une carte en adéquation avec l’inventaire de nos trains. En plus de quelques cabines haut-de-gamme et quelques unes très haut-de-gamme, ceux-ci s’adressent très majoritairement au grand public. Il faut donc que l’offre de restauration s’en ressente. Nous voulons une carte à la fois harmonieuse et à l’image de cet éventail de prix : ni cheap ni hors de prix, ni sandwiches triangles ni cuisine étoilée. Juste une proposition permettant de se régaler en fonction de ses moyens et de ses envies. Nous traversons tous des moments de vie où nous n’avons pas envie de dépenser beaucoup d’argent pour dîner et d’autres où nous avons envie de faire l’inverse, de célébrer une belle occasion avec un repas digne de ce nom. Tous ces moments de vie doivent être possibles dans les restaurants de nos trains.

Ceux qui s’intéressent à la gastronomie l’auront peut-être remarqué, notre vision est largement inspirée de la philosophie de la bistronomie. Il s’agit d’un courant culinaire constitué de chefs et de cheffes qui, depuis une vingtaine d’années, ont décidé d’ouvrir des restaurants simples, proches de l’ambiance des bistrots, où ils servent une cuisine de haut vol. Comme un restaurant gastronomique mais sans voiturier, sans nappes blanches, sans le décorum qui donne droit aux distinctions évoquées plus haut. C’est une approche que nous aimons et que nous partageons. Nous aimerions donc nous en rapprocher autant que possible. Mais pour cela, il nous faut évidemment de l’aide.

En effet, malgré notre méfiance quant aux plats de trains créés par des chefs pour d’autres opérateurs ferroviaires, nous savons que nous devons nous faire aider pour mener cette mission à bien. Reste à trouver le bon profil. Un homme ou une femme ayant un immense talent culinaire, une grande connaissance des bons producteurs et, surtout, l’envie de permettre à un maximum de gens d’accéder à une nourriture de qualité. Car cuisiner pour les centaines de voyageurs d’un train de nuit complètement réinventé est une mission complètement nouvelle.


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