Saison 11 -  La téléportation

Épisode 1 -  Mais… euh… c’est réel ce truc ?


Harry Potter et Cédric Diggory touchent le trophée du Tournoi des Trois Sorciers et… Pffffttttt, ils se retrouvent dans un cimetière bien loin de leur école de magie, avec Voldemort en embuscade. McCoy, Kirk et Spock entrent dans le téléporteur de l’Enterprise et… Pffffttttt, ils sont désassemblés en particules élémentaires pour être recomposés ailleurs. Sangoku met deux doigts sur son front et… Vous l’avez compris, la téléportation est partout dans la culture populaire, celle que consomment nos enfants, celle que nous avons consommés enfants mais aussi celle dont ont été nourris nos parents et nos grands-parents.


En effet, la téléportation n’a pas attendu l’explosion de la fantasy ou de la science-fiction pour s’introduire dans nos esprits comme une impossible possibilité. C’est-à-dire comme quelque chose que tout le monde comprend mais dont personne n’imagine que cela existera un jour. Un peu comme le voyage à la vitesse de la lumière ou l’effondrement de la civilisation (pour ce cas précis, le dérèglement climatique a changé la donne il y a quelques années). Et pour cause, si on considère que se téléporter consiste à “transporter d'un point à un autre sans passer par des points intermédiaires”, on en trouve des traces dans les textes humains les plus anciens qui soient. De tous temps, les dieux, les esprits, les génies, les djinns ou autres ont ainsi eu recours à cette méthode de déplacement plutôt pratique. Mais comme celle-ci semble également s’opposer à toutes les lois de la science comme nous la percevons, difficile de s’imaginer filer en Australie en une seule seconde.

Pour saisir la complexité fondamentale du concept de téléportation, il faut en comprendre le sens profond. Si on exclut la magie du champ des possibles (désolé, amis sorciers, nous n’avons ni la place ni les connaissances pour cela), l’idée consiste donc à nous réduire en quelque chose d’assez petit et d’assez répandu pour en trouver partout — des particules élémentaires donc —, d’enregistrer le puzzle de notre composition et de le recomposer ailleurs, à la destination espérée. Flippant non ? Puisque, d’une certaine manière, vous n’êtes plus tout à fait composé des mêmes choses. Et puis, où se trouve votre conscience pendant ces quelques instants de téléportation ? Existez-vous encore ou êtes-vous inexistant ? Même pas mort, inexistant. Ou bien, est-ce que ce sont vos particules à vous qui voyagent pour être réassemblées ailleurs ? Mais ça ne marcherait pas vraiment car, par principe, si la matière est téléportée, elle ne franchit pas la distance physique qui sépare son point d’origine de sa destination.


Malgré l’ancienneté du concept, le mot téléportation ne daterait que de 1931. C’est à cette date qu’il serait apparu dans un texte de Charles Hoy Fort, un écrivain américain spécialiste de la description des phénomènes inexpliqués. Il semblerait toutefois qu’il se soit contenté de retravailler l’anglicisme teleport déjà apparu dans des nouvelles et dans des articles de presse, essentiellement américains, publiés à partir des années 1870. Par contre, dans la pratique, ni le XIXe siècle ni le XXe siècle n’ont donné grand-chose en termes de téléportation. Seule la Guerre Froide, connue pour avoir engendré les recherches militaires les plus loufoques des deux côtés du rideau de fer, semble avoir poussé les Américains et les Chinois à s’intéresser au sujet. Avec des résultats inexistants ou relevant plus de l’intox propagandiste que d’autre chose.


Toutefois, comme le rapporte le très sérieux The Guardian, l’U.S. Air Force a confié une étude sur le sujet à un chercheur du nom d’Eric W. Davis en 2001. Cet homme, dont certains propos ont été maintes fois jugé douteux, en a tiré un rapport remis en 2004 dans lequel il établit une liste théorique des différentes possibilités de téléportation : technologie futuriste, altération de l’espace-temps, pouvoirs parapsychologiques ou encore univers parallèles. Loin de nous l’idée d’insulter les croyances de qui que ce soit mais ces pistes sont — a minima — très loin d’être mises en place concrètement. Et, plus réalistement, complètement improbables. Surtout quand on parle de transport en commun et pas juste d’un petit usage égoïste dans son coin. Difficile en effet d’imaginer que nous allions voir le télékinésiste du coin pour partir en week-end en Normandie plutôt que de nous pointer à la gare… Ou que nous franchissions un portail altérant les lois de la physique pour rendre visite à ce vieux pote d’Erasmus resté au pays. Ce serait chouette, c’est certain. Mais nous en sommes très loins.


Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les scientifiques du monde entier n’ont jamais véritablement abandonné l’idée de nous détacher en petites particules pour nous balancer à l’autre bout de la Terre. Sauf que bien évidemment, ils font ça à leur manière. Scien-ti-fi-que-ment. Et donc en commençant tout petit, au niveau quantique. Alors, gardez espoir.


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