Saison 9 - Épisode 11

La solution de Midnight Trains pour la maintenance de ses trains

Nicolas Bargelès — Vous le savez désormais, notre premier hub sera situé à Paris. Assez logiquement, nous avions donc en tête de faire partir nos trains vers Milan et Venise depuis la Gare de Lyon. Dans le XIIe arrondissement de la capitale, dans le sud de celle-ci. Comme l’ont fait tous les trains qui sont partis dans cette direction depuis des siècles.


À l’hiver 2022, j’ai donc formulé une demande officielle auprès de la SNCF, le gestionnaire d’infrastructures français, pour que nous ayons accès à des facilités de maintenance. Cette entité possède des facilités régulées qu’elle doit obligatoirement mettre à disposition des autres acteurs du rail qui en font la demande. Pour d’évidentes raisons financières et logistiques, tout le monde ne peut pas avoir ses propres halles de maintenance en plein Paris. Seul problème, quand elles reçoivent notre demande, les équipes se tortillent un peu. Elles piétinent et elles tournent en rond, jusqu’à nous dire que… c’est compliqué.

En effet, ils nous disent que le site de Villeneuve-Prairie est entièrement préempté par Ile-de-France Mobilités pour en faire un atelier pour la nouvelle génération de RER, les trains de banlieue de la région. Ils ont bien un ancien atelier de maintenance de wagons situé à 800 mètres de là mais il est difficile d’accès et a une faible capacité d’accueil. Ils ne peuvent pas nous refuser son accès — les textes sont de notre côté — mais ils nous préviennent que le service sera de piètre qualité. Que nous n’aurons que des créneaux d’accès très limités, sans marge d’ajustement pour des besoins correctifs. Et que si nous avons une demande inhabituelle, il faudra attendre deux jours pour qu’elle soit traitée.

À la place, ils nous proposent d’utiliser le site dit de Masséna, à proximité de la gare d’Austerlitz. D’ailleurs, SNCF Voyageurs, qui en a la responsabilité, s’investit alors pour nous convaincre de choisir. Au point que nous sommes invités à visiter les lieux pour nous convaincre du fait qu’il sera parfaitement adapté à nos besoins. Après une petite réunion, nous enfilons donc nos chaussures de sécurité et nos gilets oranges  avant d’explorer les lieux. Côté ambiance visuelle, il faut imaginer trois immenses halles datant du Paris-Orléans dont on sent qu’elles ont connu leurs heures de gloire bien avant que le TGV Atlantique ne vide la gare d’Austerlitz au profit de Montparnasse, en 1990. Pour nous, c’est positif : il y a de la place.


D’abord, il y un chantier de garage. C’est l’endroit où les rames sont réceptionnées et où on réalise la maintenance de premier niveau. On procède au nettoyage, on remplit les réservoirs d’eau, etc. Dans notre cas, il s’agit également de l’étape durant laquelle nous changerons la literie. C’est aussi là que certaines voies sur fosse permettent de procéder à certaines réparations ou certains changements de pièces sous caisse. Ensuite, il y a la zone de maintenance en elle-même où on sort certaines voitures de la rame totale pour les vérifications périodiques. On le fait grâce à un pont transbordeur qui permet de déplacer chaque voiture séparément, de l’une à l'autre des vingts voies qui se trouvent là. Il faut être honnête, ce site est parfaitement adapté à nos besoins et à nos rames de vingt-six mètres quarante. On peut facilement laisser nos voitures sur chandeliers (soit suspendues grâce à des pinces de préhension) et il y a un dépôt de locomotives — celui auquel étaient attachées les CC6500 tractant le Capitole.

En revanche, être basé à la gare d’Austerlitz plutôt qu’à la gare de Lyon change énormément de choses. Elles ont beau être très proches, tout juste séparées par la Seine, elles ne desservent pas du tout les mêmes lignes ni les mêmes sillons. En partant d’Austerlitz, nos trains se retrouveraient sur la ligne Paris-Bordeaux et donc sur l’artère ferroviaire qui dessert le sud-ouest de la France. Ce qui implique de basculer vers le sud-est à Juvisy, puis de croiser à niveau les voies du RER C, puis celles du RER D. Ce n’est pas tout : entre Juvisy, Corbeil-Essonnes et Melun, il faudra suivre le RER qui s’arrête partout et dont l’horaire n’est pas optimisé pour permettre d’insérer d’autres circulations. Comme par magie, les 26 minutes que nous aurions dû mettre à sortir de Paris se transforment en 1h20 ou 1h30. Ce n’est pas rien.


Adrien Aumont — Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, même si elle pose de nouveaux problèmes, cette facilité de maintenance est une solution. Elle transforme en effet un problème de maintenance en un problème d’infrastructure. Or, nous pouvons challenger les gestionnaires d’infrastructures sur ce nouveau sujet. Nicolas leur a d’ores et déjà fait des contre-propositions à ce qu’ils nous proposent pour l’instant : 18h33 au départ de Paris et 9h40 à l’arrivée en sens opposé. Il n’y aura jamais de situation parfaite. Pire, il faut sans cesse cohabiter avec des mauvaises solutions et encourager le gestionnaire d’infrastructure à faire preuve de créativité. C’est avec cette acceptation qu’on avance. Et nous avançons.

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