Guerre en Ukraine : la voie ferrée de l’exil

Une mobilisation inédite des opérateurs ferroviaires

Alors que la guerre en Ukraine fait rage depuis le 24 février dernier, cette édition de Midnight Weekly tenait à mettre un coup de projecteur sur le rôle déterminant que jouent nombre d’opérateurs ferroviaires depuis le début de ce conflit. Dans le cadre d’une mobilisation aussi inédite que salutaire, les compagnies de chemin de fer européennes se mobilisent pour évacuer les civils et les victimes de cette guerre, comme pour transporter les réfugiés vers des terres épargnées par les ravages des bombes et des tirs.

Pour vous en parler, nous avons décidé de donner la parole à Nick Brooks, le secrétaire général d’ALLRAIL, l'Alliance des nouveaux entrants du transport ferroviaire de passagers, qui au cours des semaines passées, a pu mesurer les efforts entrepris en la matière.

“Depuis plus d’une semaine, l’agression armée de l’Ukraine par la Russie se poursuit sans relâche. En dépit de la résistance des forces armées et de la population ukrainiennes dont l’effort est soutenu par d’importantes sanctions ciblant le président Vladimir Poutine, son entourage ainsi que l’économie russe, il n’en demeure pas moins que ce conflit entraîne des conséquences humanitaires inquiétantes pour la population ukrainienne.

En effet, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés affirmait le 3 mars que plus d’un million de réfugiés ont fui l’Ukraine vers d’autres pays européens. De plus, l’agence onusienne estime que ce nombre pourrait atteindre quatre millions dans un futur proche. D’autre part, les attaques russes ont endommagé la chaîne d’approvisionnement ukrainienne, pouvant ainsi engendrer une pénurie de produits essentiels.

Néanmoins, l’Ukraine n’est pas seule. Elle peut compter sur un important soutien européen. Dès l’arrivée des premières informations sur l’agression russe, un élan de solidarité sans précédent en faveur de l’Ukraine et les Ukrainiens est né. Tant de gouvernements, entreprises, organisations civiles et particuliers ont promis et apporté un soutien matériel, financier, humanitaire et moral. Cependant, du fait de la fermeture de l’espace aérien ukrainien, l’acheminement de ce soutien ainsi que l’évacuation des réfugiés ne pouvait se faire que par voie terrestre. C’est ainsi qu’ont foisonné nombre d’initiatives louables de la part d’entreprises ferroviaires européennes aussi bien privées que publiques.

En premier lieu, l’entreprise privée tchèque RegioJet a mis en place un pont humanitaire ferroviaire en partenariat avec l’entreprise ferroviaire ukrainienne Ukrzaliznytsia, l’organisation caritative tchèque Člověk v tísni (« personnes dans le besoin » en tchèque) ainsi que les entreprises de fret ferroviaire ČD Cargo et Rail Cargo Group. Ce pont consiste en un train de nuit quotidien composé de dix wagons cargo transportant de l’aide humanitaire et dix wagons-lits pour transporter les personnes fuyant l’Ukraine. Le train de nuit relie Prague en République Tchèque à Przemysl à la frontière polono-ukrainienne. De là, Ukrzaliznytsia se charge de convoyer l’aide humanitaire vers les villes ukrainienne d'une part, et les réfugiés parcourant le sens inverse d'autre part. Ces derniers bénéficient d’un transport gratuit en plus de nourriture et boissons offertes à bord. Le premier de ces trains a quitté Prague à destination de Przemysl à la frontière le 1er mars.

Pour sa part, l’entreprise publique polonaise PKP Intercity organise également des ponts ferroviaires en direction de la ville frontalière de Przemysl. Ses trains sont aménagés pour accueillir des blessés ainsi que pour transporter du matériel humanitaire (nourriture, médicaments et couvertures). PKP Intercity a également la charge d’organiser la réception, le transit, le transfert et l’arrivée des différentes initiatives de solidarité à travers le réseau polonais et à la frontière avec l’Ukraine. Enfin, PKP Intercity a aménagé ses gares pour l’accueil et la distribution de vivres en faveur des réfugiés ukrainiens.

L’entreprise publique tchèque ČD a aussi mis en place un pont humanitaire ferroviaire entre différentes villes tchèques et Przemysl.

Les autres entreprises ferroviaires ne sont pas en reste. Un grand nombre d’entre elles proposent aux Ukrainiens et résidents en Ukraine d’être transportés gratuitement à travers leur réseau. Il s’agit notamment de RegioJet, ČD et PKP Intercity, mais également de FlixTrain (Allemagne), LeoExpress (République Tchèque), MTRX (Suède), Deutsche Bahn (Allemagne), Go-Ahead Allemagne, Transdev Allemagne, MÁV (Hongrie), ZSSK (Slovaquie), WESTBahn (Autriche), ÖBB (Autriche), DSB (Danemark), NS (Pays-Bas), SNCF (France) et LTG (Lituanie).

De plus, Flixbus, l’entreprise-sœur de FlixTrain offrant des services de transport par bus, a étoffé son offre de bus gratuits à destination des réfugiés en provenance de la frontière polono-ukrainienne.

Enfin, il demeure nécessaire de rassembler de manière organisée et accessible les informations concernant cet élan de solidarité considérable et inédit à destination des réfugiés fuyant le conflit en Ukraine. À cet égard, l’entreprise de vente de tickets en ligne Omio a créé une page web plurilingue dédiée à la centralisation et à la mise à jour d’informations relatives aux options de transport à disposition des personnes fuyant l’Ukraine.

Autant d’initiatives publiques et privées qui témoignent non seulement de l’existence de la solidarité européenne, mais également de sa force. Nous espérons tous que ce soutien apportera un certain réconfort aux populations souffrant du conflit, mais nous espérons encore davantage que ce conflit insensé prendra fin au plus vite.”

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