Saison 12 - La conclusion ultime du Joli Futur des transports

Épisode 3 - Ces moyens de transport sont-ils concrètement déployables ?

On a tous en nous quelque chose de De Vinci. Une âme d’inventeur qui nous a poussés, dans notre enfance, aux expériences les plus improbables. Pourtant, malgré le génie que nous leur trouvions, elles n’ont jamais été développées par des industriels. Rien. Nada. Nichts. Nothing. Pas la moindre catapulte à peluche dans les magasins ni la moindre friteuse pour automobile dans les voitures modernes. Pire encore, pas de vaisseau spatial pour aller à l’école. Et vous savez pourquoi ? Toujours pour les mêmes raisons (ou presque) : une absence de besoin commercial, un danger/une impossibilité technique cachés derrière une bonne idée de principe ou l’impossibilité financière et logistique de déployer un tel produit. Or, aussi fou que cela puisse paraître, c’est globalement pareil avec les moyens de transport de passagers de demain. Pour ce pénultième épisode de Joli Futur, on les passe donc en revue de ce point de vue là.

Les complètement délirants :


Si les vaisseaux spatiaux rêvés par les kids ne sont pas une solution de transport crédible, pourquoi les voitures volantes le seraient-elles ? Après tout, elles ne sont que de très mauvais engins volants. Comme nous l’expliquait Bernard Jullien, maître de conférence en économie à l’Université de Bordeaux et spécialiste de l’industrie automobile, dans la saison 1, elles impliqueraient la construction d’infrastructures insoutenables socialement et économiquement. Car même si les voitures volantes sont aujourd’hui des drones électriques, elles nécessiteraient a minima des pistes d’atterrissage en pleine ville. Vu le prix de l’immobilier et le niveau de tension sociale dans les grands centres urbains, il est très improbable que ces caprices de riches se déploient à grande échelle.


Même combat pour le train à Très Très Grande Vitesse mais pour des raisons aussi variées que nombreuses. Tout d’abord, pourquoi ? Pourquoi créer un train capable pour lequel il faudrait raser des millions de kilomètres carrés de nature pour éviter de prendre un avion jugé trop polluant ? Pourquoi propulser un train à 1000 kilomètres par heure quand on sait que la plupart des pays seraient traversés en quelques dizaines de minutes et donc ravagés par les travaux nécessaires à ce passage ? Pour la Russie, l’Inde, la Chine et les États-Unis ? Grand bien leur fasse mais encore faut-il trouver les crédits pour cela. Ah oui, et trouver la technologie. Car elle est loin d’être prête et encore moins d’être fiable.


Enfin, il y a téléportation dont nous ne sommes même pas certains qu’elle soit réelle et réalisable pour une chose aussi complexe qu’un être humain. Bref, c’est chouette dans les films mais ne mettez pas vos billes dedans.


Les “Non mais la techno sera bientôt mature”


Deuxième grande catégorie : celle des technologies qui seront peut-être déployables un jour. Mais dont les défenseurs nous rebattent les oreilles à grands coups de phrases aussi creuses que prometteuses. “Les chercheurs bossent dessus à l’instant où nous parlons”, “C’est une question d’années, nous réglons les derniers détails”, ou encore “Cette technologie fera oublier à nos enfants ce que nous faisions avant qu’elle arrive sur le marché”. La plus emblématique de ces technologies est indéniablement l’avion à hydrogène dont la technologie est tout sauf prête. Et ce n’est pas nous qui le disons, c’est Emmanuel Bensadoun, le responsable du pôle Expertise/Etudes de France Hydrogène, une association professionnelle regroupant plus de 460 acteurs de la filière. En saison 3, il nous rappelait en effet que les moteurs ne sont pas prêts, voire dangereux en l’état. Plus complexe encore, les méthodes de transport de l’hydrogène demanderaient de très lourdes adaptations logistiques. Bref, ce n’est pas pour demain que les avions voleront ainsi, à l’exception de quelques prototypes.


La voiture autonome — dans sa version totalement autonome — fait face à des problèmes assez identiques. Pour que des millions de voitures roulent par elles-mêmes simultanément, il faudrait tout simplement rééquiper toutes les villes et toutes les routes concernées de récepteurs, d’émetteurs et autres technologies à la fois onéreuses et consommatrices d’énergie. Sans parler de la nécessité de régler le dilemme du tramway avant de les lancer sur les routes. On est donc loin du compte.


Enfin, il y a l'avion solaire pour lequel il n’y a aucun débat. Il n’est pas capable de porter la moindre charge en plus de son pilote. On peut donc en déployer des milliers mais ils ne serviront à rien tant que personne n’aura rendu la technologie plus performante sur ce plan. Bref, c’est loin d’être le futur. Très loin.

Les déjà déployés mais difficiles à élargir :


Troisième catégorie un peu bâtarde : celle des technologies de transport fonctionnelles, parfois même adoptées à petite échelle, mais difficiles à déployer au niveau d’un pays, d’un continent ou de notre planète. Tout d’abord, il y a le train à hydrogène qui, comme nous l’avons vu en saison 7, a déjà été partiellement abandonné par la LNGV, la compagnie ferroviaire de la Basse-Saxe, qui le testait. Et pour cause, elle a considéré que c’était trop onéreux… Et puis, comment déployer une technologie dont le carburant n’est vert qu’à 5%.


Plus prometteur, le train au biogaz est jugé par Maria Lee, experte logistique et transports au sein du cabinet Sia Partners, comme mature au plan technologique. Mieux encore, il est possible de rénover les trains diésel pour les faire rouler avec cette technologie. Seul problème, il faut du biogaz, beaucoup de biogaz. Ce qui est faisable à condition de déployer des centaines d’unités de production dans les régions concernées. Allez, on y croit un peu.


Enfin, il y a l'avion au SAF, au carburant durable pour avions. S’il figure dans cette catégorie, c’est seulement parce qu’il y a déjà concrètement du SAF dans de nombreux moteurs d’avions. Mais si peu. Ces carburants ne représentaient en 2022 que 0,15% de la demande mondiale en kérosène. Le remplacement à échelle mondiale n’est donc pas pour demain.

Les solides, les vrais de vrais :


On conclut avec les deux champions. La voiture électrique d’une part. Le train de nuit d’autre part. La première est d’ores et déjà en train de conquérir le monde et ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Sa technologie ne cesse de s’améliorer pour faire progresser son autonomie et son temps de rechargement. Mieux encore, comme nous l’expliquait le brillant Bernard Jullien, le réseau de prises sera rapidement au niveau de celui des stations-essence puisque les États ont acté son hégémonie. Quant au train de nuit, eh bien, il est toujours là et a toujours été là. Efficace, fiable, écologique et ne nécessitant ni nouvelles infrastructures ni dépenses délirantes. Il doit simplement être adapté à son temps (et c’est ce qu’on fait chez Midnight Trains).

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