Saison 4 /  Trouver des trains

Episode 3 / À la recherche de trains neufs - Août 2021-Février 2022

Adrien Aumont — Lorsque nous abandonnons la piste des trains d’occasion, nous avons en réalité déjà un peu exploré la possibilité d’acheter du matériel roulant. Avant même de rencontrer et de travailler avec Luigi Martinelli, notre expert du sujet, nous avons contacté les quatre plus gros constructeurs d’Europe de l’Ouest. Chez le premier, nous avons échangé avec trois importants responsables mais ils nous ont tous pris de haut. Nous avons toutefois découvert que, contrairement à ce que nous pensions, ils n’avaient pas de “produits sur l’étagère”. La plupart des constructeurs ne conçoivent pas de trains pour les vendre tels quels. Ils répondent à des appels d’offres en partant de produits plus ou moins génériques qu’ils adaptent ensuite en fonction des besoins spécifiés par leurs clients.


Chez les trois autres, les réponses ne sont pas plus satisfaisantes. Le second nous propose paradoxalement un produit tout prêt, parce qu’il l’a conçu pour un gros acteur du train de nuit européen. Si nous le choisissons, cela veut dire deux choses : nous aurons les mêmes trains que l’un de nos principaux concurrents et nous ne serons livrés qu’en 2028, ce qui est inenvisageable. Le troisième peut faire ce que nous voulons mais les tarifs sont deux fois plus élevés qu’ailleurs. Enfin, le quatrième nous répond à peine parce que toutes ses équipes sont mobilisés sur un appel d'offres. Nous sommes encore jeunes dans notre projet à ce moment-là et nous apprenons donc une nouvelle leçon. Malgré leurs tailles, ces entreprises travaillent en flux tendu. Elles prennent rarement deux projets à la fois.


Mais revenons-en à la situation présente. Fort de ces informations, Luigi nous propose donc une liste de constructeurs qu’il estime capable de produire les trains que nous recherchons pour un client comme nous — une petite entreprise privée nouvelle dans le secteur — doublée d’une liste d’assembleurs. Dans la construction d’un train, il est en effet possible d’acheter ses bogies à une entreprise, ses caisses de voitures à une autre et de faire faire les intérieurs par une troisième.


Romain Payet — Il faut bien comprendre deux choses. D’une part, le matériel que nous recherchons est devenu assez rare. Il s’agit de voitures tractables par une locomotive et pas des rames automotrices avec une motorisation répartie sur toute la longueur du train. Ces dernières sont ce que nous voyons le plus de nos jours, les TGV mais aussi certains TER. Ce que nous cherchons est donc presque un peu démodé. La plupart des constructeurs n’ont plus de plateformes pour les construire. La liste de Luigi ne contient donc que trois noms, un en Europe de l’Ouest et deux en Europe de l’Est, dont celui auprès duquel nous aurions pu acheter du matériel d’occasion grâce à notre amie actrice évoquée dans l’épisode précédent.


Une fois que ces constructeurs sont identifiés, Luigi écrit un cahier des charges et le leur envoie mais, très habilement, il n’émet pas de véritable appel d’offres. Il se contente de leur dire que nous cherchons des trains ayant ces spécifications techniques et de leur demander comment nous pourrions avancer ensemble sur ce projet. Cela provoque une série de rendez-vous au cours desquels nous essayons d’expliquer notre vision à ces constructeurs. Pour cela, nous utilisons notamment les designs d’intérieur que Yellow Window a dessinés pour les trains d’occasion espagnols. Or, grâce à la façon dont a procédé Luigi, nous pouvons faire jouer la concurrence, visiter certains ateliers en Europe de l’Est (pas ceux du constructeur de l’actrice, l’autre) et faire en sorte que les devis s’affinent.

Adrien Aumont — C’est d’ailleurs celui-là que nous finissons par choisir, pour plusieurs raisons. La première chose, c’est que ses équipes maîtrisent toute la ligne de production, de la fabrication des bogies à la peinture extérieure. Ensuite, ce constructeur a des agents commerciaux anglophones qui vont tout mettre en œuvre pour faciliter les échanges, organiser les visites, etc., ce qui rend l’ensemble beaucoup plus fluide. Enfin, il y a une convergence de nos objectifs et des leurs. Nous, nous cherchons des trains performants et adaptés à notre vision à des prix raisonnables. Eux, après presque un siècle à produire pour leur pays d’origine, sont à la recherche d’un projet qui leur permettra de s’implanter et de briller en Europe de l’Ouest, et il voit ça en Midnight Trains. Il en résulte une offre compétitive qui va finir de nous convaincre.


Cette fois c’est bon, nous avons nos trains. Ce n’est pas rien.

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