Saison 10 -  La deuxième levée de fonds

Épisode 1 -  1er trimestre 2021 : Quel modèle de financement pour Midnight Trains ?

Romain Payet — Cette fois, on rentre dans le dur, dans le financier, puisque nous attaquons désormais la saison sur la seconde levée de fonds de Midnight Trains. Celle-ci commence au début de l’année 2021. À l’époque, nous sommes en pleine réflexion sur la façon dont financer Midnight Trains, les deux parties de Midnight Trains. En tant que nouvel opérateur ferroviaire, il nous faut en effet financer deux choses bien différentes. D’une part, nos actifs, nos trains à proprement parler, l’objet physique. D’autre part, du financement plus classique, la partie opérationnelle de l’entreprise. C’est capital puisque ce ne sont pas les mêmes typologies d’investisseurs qui s’impliquent dans chacune de ces parties de la levée de fonds. Les fonds dits d'infrastructure aiment financer des actifs tangibles avec une vision très long-terme, plusieurs dizaines d'années, et un objectif de rendement souvent inférieur à d'autres en raison du collatéral qu'ils détiennent. Les fonds de capital-risque s’impliquent quant à eux très tôt dans l'aventure, sont prêts à prendre le risque commercial sans actifs et ont un objectif de rendement très élevé pour rémunérer ce risque sur un horizon d'investissement plus court, une dizaine d'années maximum. Enfin les fonds de croissance aiment financer la croissance de l'entreprise, une fois le modèle économique prouvé, avec un objectif de rendement entre celui les fonds de capital-risque et les fonds d'infrastructure.


Sur la question du financement des trains, deux scénarios s’offrent à nous. Dans le premier, nous devenons propriétaires de nos trains et nous les mettons à notre actif. Pour résumer, Midnight Trains achète ses propres trains, avec ses deniers. Dans le second, nos trains sont achetés par une autre structure qui nous les loue ensuite. Il peut s’agir d’une entité que nous aurions créée nous-même et possiblement financée via les mêmes investisseurs que la partie opérationnelle. On peut également se tourner vers une ROSCO, une rolling stock company, soit une entreprise qui loue des locomotives et des voitures de passagers.


Nicolas Bargelès — Comme beaucoup de choses en matière de finance et d’entreprises, les ROSCO sont apparues au Royaume-Uni. En 1993, lorsque le pays a libéralisé son marché ferroviaire, trois ROSCO se sont constituées et ont repris le matériel roulant pour le louer aux franchisés. Elles assument la propriété des trains sur leur durée de vie (une trentaine d’années), à un horizon très supérieur à la durée d’une franchise ou d’une délégation de service public. Par la suite, les ROSCO se sont développées au gré de l’ouverture des marchés en Europe continentale, pour que de nouveaux acteurs du rail puissent se lancer sans avoir de locomotives et de voitures en propre. Cependant, ce genre de modèle économique existait déjà dans d’autres domaines d’activité, notamment dans l’aérien où il constitue toujours la règle. Aucune compagnie aérienne ne porte plus d’un quart ou d’un tiers de sa flotte en actifs. Air France, par exemple, ne détient que 30% de ses avions. Et dans le ferroviaire, des opérateurs historiques pratiquent parfois également le “sale and lease back”.

Adrien Aumont — À ce moment-là, nous sommes dans une psychologie de startup, nous essayons d’être le plus asset light possible. Et pour cause, en plus de l’aérien, nous nous inspirons du montage financier de FlixBus au moment de la création de FlixTrain. Nous avons pour objectif de prouver l’efficacité de notre modèle plutôt qu’en faisant la démonstration de notre solidité en possédant des actifs comme ça se fait dans les secteurs les plus industriels. Les ROSCO nous apparaissent donc comme un excellent moyen de rester dans cette logique. On se dit que grâce à elles, nous n’aurons qu’une levée de fonds pour la partie opérationnelle à faire. Et que celle-ci pourrait correspondre à des fonds de Venture Capital, que l’on appelle aussi des VC.

Romain Payet — Vous l’aurez compris, le fait de faire porter nos actifs à une ROSCO s’est donc imposé comme un choix naturel. Il faut dire que ce volet du financement constituait la partie que nous maîtrisions le moins. Alors autant la confier à quelqu’un d’autre. De plus, le montant financier que cela représente est bien plus important que l’opérationnel. Si nous parvenons à gérer le financement de nos trains par une ROSCO, nous pourrons donc certainement mener le reste à bien. Enfin, il faut savoir que ces entreprises ne sont pas de simples loueuses de matériel roulant. Ce sont des expertes du domaine. Elles sont capables de challenger notre business plan, nos hypothèses à long terme mais aussi nos choix de design, d’aménagement des voitures et de choix du constructeur. C’est vous dire leur niveau d’expertise. Elles peuvent réaliser des audits techniques sur des plans très différents les uns des autres. Elles possèdent les outils pour aller vérifier jusqu’à la bonne réalisation de la plus petite des soudures de nos futurs trains. Ce qui est plutôt tentant quand on ne vient pas du milieu et que l’essentiel de nos compétences ferroviaires sont regroupées en la personne de Nicolas. Ce dernier, malgré ses très larges compétences, ne peut pas tout faire.

Nicolas Bargelès — Enfin, les ROSCO ont des expertises sur toute la phase de contractualisation avec le constructeur et de contrôle de qualité au moment de la réception du matériel. Quand on parle de locomotives et d’une somme de voitures qui se chiffrent en millions d’euros, il s’agit de compétences absolument essentielles. Tout cela nous convainc d’ailleurs que la présence d’une ROSCO à nos côtés pourrait rassurer nos futurs investisseurs. Après tout, ce sont des compétences, du savoir et de l’expérience qui seraient introduits dans le projet Midnight Trains. Il ne reste donc plus qu’à faire le tour du marché.

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