Romain Payet — Cette fois, nous devons ralentir. Les VC ont dit non, le fonds d’infrastructures nous a planté à la dernière minute et notre niveau de liquidité est bas. Mais nous décidons tout de même de prendre le temps de préparer la suite de l’aventure Midnight Trains sereinement. Avec l’aide de la banque d’affaires que nous avons choisie, nous repensons certains éléments de notre business plan. Pour qu’ils correspondent à notre nouveau plan : nous faire entièrement financer par un fonds d’infrastructures tout en gardant la ROSCO à nos côtés. Pour y parvenir, nous établissons également une nouvelle série de cibles, à la fois large et précise. Nous plaçons beaucoup d’espoir dans certains des fonds qui figurent sur cette liste. Beaucoup moins dans certains autres mais nous devons taper large, très large. Nous devons mettre toutes les chances de notre côté.
Seul problème, ce temps de ralentissement n’est pas simple à comprendre pour tout le monde. À commencer par nos partenaires immédiats avec qui nous avons toujours été transparents. Depuis le début, nous avons en effet décidé de leur expliquer les enjeux auxquels nous faisons face et la dimension sans précédent du projet. Nous avons été honnêtes sur nos réussites et sur nos coups durs. Nous avons fait preuve d’une pédagogie constante pour les convaincre de nous suivre, pour les emmener avec nous dans toutes ces épreuves. Même quand nous ressentons, comme à ce moment-là, le besoin de prendre du temps.
La ROSCO, par exemple, nous demande des comptes et c’est bien normal. Elle s’impatiente. Elle a besoin de déployer ses capitaux, qu’ils travaillent en servant à l’acquisition d’actifs ferroviaires. C’est sa mission fondamentale et, face aux revers que nous avons subis, ses équipes se sentent donc un peu coincées. Elles nous demandent quels sont les prochains fonds d’infrastructures que nous allons contacter, qui va nous financer et ainsi de suite. Elles avaient été profondément rassurées par le scénario à trois têtes : Midnight Trains, ROSCO, fonds d’infrastructures. Nous prenons donc le temps de leur expliquer que si nous temporisons un peu, ce n’est que pour mieux repartir. Pour taper juste au cours de notre ultime roadshow, pour que ce financement devienne réalité.
Nicolas Bargelès — De son côté, le constructeur s’inquiète un peu aussi. Il n’a pas l’habitude qu’on le fasse patienter ainsi. Durant toute son histoire, il a bossé avec des clients étatiques, sans la moindre question de financement. Dans son esprit, les choses marchent toujours de la même façon : réponse à un appel d’offres, finalisation des spécifications, établissement d’un prix final, validation du prix avec le client et, enfin, lancement de la construction. Avec nous, tout est différent. Notamment au niveau du rythme. Début 2022, il a vu passer deux ROSCO dans ses ateliers, nous échangions tout le temps, in situ et par mail. Bref, les choses avançaient vite. Surtout lorsque les discussions avec le fonds d'infrastructures ont démarré. L’histoire était tellement belle que tout le monde a voulu y croire, à commencer par nous. Tout le monde se voyait boucler ce financement en deux coups de cuillères à pot, dans des conditions exceptionnelles et avec l’un des plus gros fonds du monde. Mais les choses ne se sont pas passées comme ça. Le constructeur a donc commencé à s’inquiéter. Nous avons même appris plus tard qu’il s’est franchement demandé si nous étions sérieux avec cette histoire de trains privés. Là encore, nous avons pris le temps de lui expliquer ce que nous traversions, ce qui différait d’avec un client public, que c’était normal. Et puis, la ROSCO nous a filé un sérieux coup de main sur ce coup. D’abord, elle l’a rassuré lorsqu’il l’a appelé. Ensuite, une de ses dirigeantes nous a accompagnés en Pologne pour que les choses soient claires et signifier qu’elle était bien à nos côtés.
Dans un autre registre, il y a SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructures (GI) français. À ce moment-là, nous avons déjà établi de bons rapports avec les équipes. Nous les challengeons sur les questions de travaux, la possibilité d’emprunter certaines lignes quand d’autres sont fermées, la coordination des GI. Mieux encore, nous avons finalisé l’expression de nos besoins en sillons-horaires pour 2024. Ils sont donc un peu surpris lorsque nous leur annonçons que nous ne roulerons probablement pas à cette échéance à cause de notre retard dans le financement. Ils s’attendaient à un peu de retard car tous les nouveaux entrants en ont. Mais pas autant. Comme nous, ils n’imaginaient pas que défricher ce chemin nous prendrait autant de temps. Cependant, ils connaissent le secteur et ne tardent pas à comprendre la nature de nos obstacles.
Adrien Aumont — Enfin, il y a nos partenaires plus informels : nos proches, nos futures équipes et, bien sûr, nos lecteurs. Les premiers ne comprennent pas toujours ce qu’il se passe dans le quotidien de Midnight Trains. Et pour nous, ce n’est pas toujours simple d’expliquer les subtilités des modèles de financement entre le fromage et le dessert. Ce n’est pas facile de justifier pourquoi nous rayonnons en janvier et pourquoi ce n’est plus le cas en août. Heureusement, ils sont d’un soutien sans faille. Quant à notre future dream team, elle est déjà constituée. Elle n’attend qu’un signal de nous pour nous rejoindre et lancer la machine. En attendant, nous organisons des points deux fois par mois, pour qu’ils vivent ce début d’aventure à nos côtés, qu’ils n’en ratent rien. Enfin, il y a vous. Vous à qui nous disons tout ce que la légalité nous autorise à écrire. Vous qui ne nous avez jamais lâchés depuis le début. Vous qui posez des questions qui nous aident à avancer et qui nous donnent de la force. Vous qui chaque semaine êtes 40 000 à nous lire et à nous soutenir. Vous à qui nous profitons de l’occasion pour redire merci.